1. La bonne excuse

    C'était le 31 décembre, dernier jour de l'année. Le temps était comme aujourd'hui : très froid. Ce froid faisait frissonner notre corps. Mais le soleil brillait dans le ciel. Un ciel dégagé de tout nuage, bleu clair. Le froid atteignait notre corps, mais la lumière du soleil savait réchauffer notre cœur.

    J'avais passé la journée ailleurs, en sortie, voir des camarades. Des camarades un petit peu ami-e-s d'ailleurs. Rien à voir avec l'arrivée de la « nouvelle année » non. C'était pour des choses moins exceptionnelles. Mais qu'importe. J'avais d'autres projets pour fêter ce nouvel an. Je revenais en début de fin de journée chez moi, vers 16h. Je justifie ainsi car à 17h le soleil est déjà bien bas est crépusculaire. Je suis revenu chez moi alors que la lumière de l'astre brillait encore fort. Fort du moins comme il peut le faire en hiver.

    Chaque déplacement est pour moi un voyage. Pourquoi n'ai-je que des relations qui habitent à Perpète-les-Oies ou à Pétaouchnok ? Ça me prend facilement plus d'une heure ; une heure et demi si ce n'est 2 quelque fois.

    Je revenais chez moi avec le sentiment d'une journée déjà bien remplie. Du moins bien écoulée. Des choses qu'il fallait faire, qui ont été faite. Des moments à partager qui ont été partagés. Du moins dans la limite de mes aptitudes sociales. J'ai un peu tendance à fuir les autres ; sur tout point de vue d'ailleurs : tant de la rencontre physique que de l'échange orale ou de l'écoute sensoriel. J'ai le défaut de rarement savoir ce que je veux : je me sens mal quand je suis entouré car je peine à trouver des repères comportementaux, savoir m'intéresser aux autres et entrer en empathie avec eux. Mais je me sens mal aussi quand je suis seul ; la solitude est l'amie qui offre une anxiété, si ce n'est une angoisse, existentielle et me rappelle toujours l'ineptie de mon existence. Pour une question d'équilibre, je cherche donc à savoir alterner les deux. Tantôt je me pousse à sortir de chez moi à la rencontre d'autres, tantôt je profite de moment de solitude pour m'égarer.

    Aujourd'hui finalement, j'avais fait mon pas vers les autres. Et j'étais embêtés de devoir à nouveau repartir. J'étais tout juste descendu du bus que je sentais déjà la douce chaleur de mon habitat me retenir pour la soirée. Oui. Je devais repartir 2h plus tard, peut-être moins, pour aller voir d'autres personnes, d'autres ami-e-s, d'autres proches – davantage dans le cœur que géographiquement – dans une fête où j'aurais une nouvelle fois peine à savoir où me mettre et m'enjouer avec la galerie. Généralement je tergiverse beaucoup et je pense à ce que j'ai à faire qui puisse avoir un peu d'importance, une espèce d'excuse, qui aura l'air légitime, pour ne pas venir. Mais je suis pris entre deux feux : je pourrais aller encore vers d'autres pourquoi pas ? J'avais peur de culpabiliser de ne pas l'avoir fait, tenter. Ça m'arrive souvent.

    Je descend ma rue. Je n'habite pas un quartier fourmillant d'activité. Quelques personnes semblent se promener. Le froid de les arrête pas car la lumière du soleil leur donne du courage. Tandis que j'entame la partie pentu que je descends, je croise un « couple » – en réalité un duo – de flics, une femme et un homme. L'homme s'exprime d'une manière forte, un peu bruyante. Il se plaint. Je peux entendre le contenu de la conversation qu'ils sont en train de tenir et je saisie un minimum de l'affaire dont ils discutent. Le policier est frustré de ne pas avoir eu assez d'élément pour coincer un criminel ; un autre homme coupable – d'après le policier – d'avoir tuer quelqu'un. Je continue ma descente tandis qu'eux – en sens inverse – remonte la rue.

    Plus bas un autre homme marche et se dirige dans la même direction que moi. Je ne vois que son dos. Il ne doit pas marcher très vite car la distance entre lui et moi ne cesse se rétrécir à mesure que que je me rapproche de ma maison. Soudain, j'entends le policier déjà croisé l'instant d'avant, piquer une colère et venir avec un pistolet qu'il tient comme un objet à montrer (c'est à dire pas dans une position qui permet de s'en servir). Après un instant d'inquiétude et de doute (j'ai cru qu'il en voulait après moi, que j'étais un suspect non appréhendé auparavant) il ne fait que me dépasser en ignorant totalement ma présence (comme quand on conduit et qu'on entend les sirènes de flics derrières nous, les représentations des séries – surtout américaines – peuvent nous faire douter sur le fait que ce soit nous qui avons commis une infraction en conduisant, jusqu'au moment où ils nous dépassent sans faire plus de cas). En fait c'est l'autre homme, un peu plus jeune que le flic, qu'il cherche à interpeller. Il le rattrape à son niveau et lui montre l'arme comme étant celle qui a servis de moyen du meurtre ; et il accuse l'homme d'être le meurtrier et que ceci soit son arme.

    Je suis à peine à quelques mètres d'eux sans trop savoir comment réagir, si ce n'est que ce n'est pas mes affaires. Je trouve le policier un peu « cow boy » ; le genre de flic qui fait de ses enquêtes des affaires personnelles et par conséquent se laisse quelque peu débordé par ses passions. L'autre homme ne reconnaît pas la légitimité ou la légalité du comportement du flic vis à vis de lui. Il repousse ses accusations, verbalement, mais aussi d'un geste physique qui bouscule un peu le policier. Et dans ce geste qui servait surtout de dénégation des accusations il tape dans le pistolet que tenait le flic qui tombe alors à quelques mètres de moi. Les deux se jettent alors dessus. Le flic par peur que l'autre s'en serve contre lui, l'autre homme pour se sauvegarder de la folie du flic. Ils attrapent à deux l'arme qu'ils essayent de retirer de la main de l'autre. Leurs bras tendu, la mire orientée vers moi, un frisson me parcours l'échine. Dans leurs folies rien ne me protège de leur combat et des conséquences inconsidérés de leur acte. J'hésite concernant la direction à prendre. Tout ceci se joue en quelques petites secondes. Dans leur combat, l'arme va changer d'orientation et elle n'est face à moi que pour 1 ou 2 secondes au plus. Si je bouge, je risque de moins savoir évaluer sa direction et donc de moins m'en protéger. Je bougerais quand je serai sûr du chemin le plus approprié pour me réfugier chez moi. Chez moi, c'est à 20 ou 30 mètres !

    Mais au fond, à ce moment là, je sais très bien comment ma vie est fichu. Je connais ces propensions à attirer tel un aimant certains événements. La fin est écrite.

    Un coup de feu part. J'ai même pas su évaluer sur le moment si je devais m'en inquiéter pour m'en protéger ou observer que l'arme déviais légèrement de moi et qu'elle m'a loupé. Je me suis laissé tombé sur le sol, pronostiquant que c'était finalement l'endroit le moins dangereux. Je ne sentais rien de particulier, pas de douleur. Je n'étais pas touché en ce qui me concerne. Le policier maîtrise finalement l'individu. Et c'est au moment de me relever pour reprendre ma route que je me rends compte qu'en vrai je suis touché au coté droit de l'abdomen.

    Je ne me suis pas inquiété à ce moment là, ça ne faisait pas mal. J'étais incapable d'évaluer la gravité de ma blessure. Je ne sentais rien, d'autant plus que je pouvais bouger sans trop de difficulté. Ça pourrait cependant être rapidement assez grave ; et j'ignorais exactement les conséquences qu'auraient une telle blessure sur ma vie. Mais ça ne m'empêchait pas de me satisfaire que, pour trancher le dilemme de la soirée de ce soir, j'avais une bonne excuse.


  2. V...

    Je retrouvai une fois de plus cette situation déplaisante de solitude face au collectif. J’avais réussis à esquiver les exposés durant toute ma scolarité lycéenne. Ce qui n’avait aucune conséquence pratique. L’important c’est le baccalauréat à la fin. Être prêt pour la semaine d’épreuve intense. Tout ce qu’il se passe avant n’est là que pour se rassurer. Et rassurer parents et enseignants. J’étais de toute façon invisible à cette époque. Les profs ne devaient se rendre compte de mon existence qu’au moment du calcul des moyennes de fin de trimestre, pour se rendre compte qu’il me manquait une note par rapport aux autres élèves de la classe. Les autres élèves ne me voyaient pas de toute façon non plus. Si je ne passais pas en exposé, c’est parce que je ne dénonçais jamais ma situation de solitude, donnant une preuve de mon existence. Chacun et chacune étaient rangé-e-s dans des groupes, des duos. Et moi j’étais celui qui n’avait pas de lien avec autrui.

    En deux ans. J’ai fait des progrès. Mais M. P. nous demande de nous mettre par deux. J’ai en principe quelques relations amicales, quoique limitées. Les deux amies avec qui je traine le plus se mette ensemble. Je jette un regard ailleurs, vers d’autres amicaux pour memontrer disponible. Mais un à un je me rends compte en fait qu’ils se lient avec leur personne préféré. Évidemment, si moi j’ai mes préférences, je ne suis le préféré de personne. Et malgré que se dessine ma besogne d’étudiant en solitaire, aucun-e ne cherche à au moins s’associer avec quelqu’un d’amical pour au moins me laisser faire duo avec l’autre. Les exposés sont toujours des moments de grand copinage. Si je n’étais pas intégré au lycée, provocant ma désintégration complète même aux yeux du professeur ; malgré mes relations actuels de fac, mon intégration demeure insuffisante et le tranchant désintégrateur agit avec la même vigueur.

    Mr. P. cherche à dynamiser la classe. La brochure de textes à se répartir entre chacun-e pour présenter un exposé dessus est distribué et un calendrier sur la page 2 avec la date de présentation des textes en fonction de l’avancé prévu du programme de cours magistral est là pour motiver les camarades de classe à faire leur choix rapidement. Le premier critère de ces jeunes, c’est la date : ne surtout pas prendre les premiers textes. Ni la semaine prochaine, ni celle d’après, ni encore celle d’après. L’étudiant-e est un être qui aime prendre son temps. Pour ne pas dire carrément qu’il procrastine. Et prévoir une date lointaine pour présenter son texte, c’est assumer sa procrastination.

    La bataille s’engage une fois les premiers duos constitués. On évite de passer trop tôt, mais également trop tard. Être les derniers c’est être comparé à tous les autres. Et faire un truc pas terrible après tout le monde, c’est allé à la catastrope de notation. Là est mon problème : je peux me faire oublier comme je l’entends, mais sans note je risque l’ajournement. La différence avec le lycée, c’est qu’à la fac toute les notes comptes pour la validation des semestres, des années et du diplôme.

    Les « meilleurs » textes selon les critères étudiants (outre le calendrier qu’il faut aborder avec soupplesse, nous citerons également la taille des textes et l’apparence de leur complexité) sont déjà distribués. Et les duos restants hésitent. Il me faut dorénavant assumer que je suis seul et m’extirper de cette situation inconfortable, quitte à être voyant d’abord pour mieux me faire oublier ensuite. Je suis paradoxalement pris d’un élan de sacrifice et volontaire pour prendre l’un des deux textes qui devront être présenté dès la semaine prochaine. Enlevant ainsi un poids à un duos qui se verra octroyer ne serait-ce qu’une semaine supplémentaire pour procrastiner un peu. J’ai repérer mon préféré parmis le choix étroit. Un texte de deux sociologues dont intuitivement j’apprécie le travail et leur point de vue critique sur la société ; malgré le titre du texte qui est un obscur charibia emplit de mots trop longs.

    Laborieusement, les derniers duos se partagent les derniers textes. L’un de ceux là suit mon « courage » ainsi que l’a notifié le prof. Et préfère finalement s’en débarrasser judicieusement dans l’immédiat, plutôt que d’attendre le milieu ou fin de semestre où nous aurons accumulés exposés et dossiers à rendre et préparation de partiel à la fin.

    Me voilà donc lancé dans une séquence de préparation d’un exposé sur 6 jours… pardon, 3. Cette deuxième semaine de semestre est chargée de journées longues, nous n’étions que le lundi en fin de journée. J’attends le jeudi pour commencer à travailler dessus. J’ai avec moi une panique stimulante. Je vais passer en exposé incessamment sous peu, et je n’ai pas d’épaule sur laquelle me décharger. Ce travail ne peut être que le mien, et il sera assumé uniquement par moi. Assumé par moi dans son élaboration comme dans sa présentation. Il n’y a pas d’échappatoire. Et il s’agit là de ne pas se montrer ridicule. Mais peut-être également de faire une démonstration. Les critiques du prof seront publiques, devant les camarades. Le moment d’être un peu admiré. De montrer des qualités, pas forcément physiques, théatrâles ou oratoire, mais du moins intellectuelles. Que je montre que j’ai quelque chose dans la tête. Qu’on me reconnaisse une qualité qui n’est pas visible au premier abord. Que je sois discret, timide et mal à l’aise en toute circonstance. Tout le monde le sait et je ne peux les en faire douter. Ou encore pousser la logique de ma particularité d’avoir été courageux, à user de ce « réflexe » de sacrifice en prenant un texte de la première semaine jusqu’au bout, en jouant la carte de « celui qui ose » ne pas faire ou être l’étudiant ordinaire. Après avoir largué la procrastination, je vais tenter de faire mon exposé le plus librement possible. Sans lecture, ni appuie de texte. Ni même récitation automatique ou par cœur. Non. Avec ma maîtrise intellectuelle complète du sujet.

    Je lis pas moins de 3 fois le texte pour m’en imprégner, comprendre l’esprit et les quelques subtilités qui ne devront pas m’échapper. 3H pour cette première tâche. Je me pose des questions sur l’évolution idéologique de mes auteurs. Eux qui me semblaient si critique, les voilà en train d’analyser les facteurs d’embauches d’un recruteur. Ca ne parle même pas de sociologie holistique, c’est un texte axé sur la compréhension individuelle et les stratégies de choix. Le néo-libéralisme qui a sévis au milieu de leur vie me met un doute sur leur propre bifurcation idéologico-politique comparée à leur premier travaux antérieurs aux années 80. Vendredi est un jour plus tranquille avec une demi-journée de tranquilité à la maison. Je prends cette demi-journée pour commencer à mettre en ordre mes idées, élaborer une problématique, définir un plan. 3H sont de nouveaux consacré à cette tâche. Le samedi est consacré à la rédaction et à l’apprentissage de mon exposé. Tout doit être exact au cordeau. Car mon texte est long, mais le prof est exigeant, tant du point de vue du contenu, que du niveau, de l’expression, de la synthèse, mais aussi du temps. Car l’exposé est une démonstration d’une compréhension ratatinée côté quantité mais qui doit être qualitativement très bonne. En effet, il s’agit de faire un speech de 10 minutes et de lui rendre la version papier qui équivaudrait à 3 pages typographiées. Passé rien que 3 heures, une heure par page, c’est effectivement être rigoureux. Surtout que plan, idée et intro/conclu étaient prêt dès la veille.

    Ce lundi, mon heure approche. C’est évidemment le dernier TD de la journée. Nous sommes en hiver. Il fait déjà presque nuit et le temps est moche. Je suis le deuxième et dernier texte à passer de la journée. Le premier est critiqué à la fin. La forme d’abord avec une lecture linéaire et monotone de l’exposé rédigé. Le prof insiste sur l’exercice qui doit nous permettre d’apprendre à parler à un public. L’exigence est d’autant plus justifiée que c’est une licence de sciences de l’éducation et sciences sociales où les étudiant-e-s ont en très grande majorité pour projet de devenir professeur des écoles.

    C’est mon tour. Je suis tout tendu et mon ventre fait des siennes. Je me mets face à tout le monde. Le prof est en fond de salle. L’éclairage un peu loupé de la salle a tendance à le pousser dans une zone sombre. J’ai enlevé mes lunettes pour ne pas me laisser distraire, déconcerté ou déconcentré par les expressions de visages de mes camarades qui pourraient me trouver ridicule et, sans rire aux éclats, adopter des expression faciales, même involontaire, suffisamment éloquantes.

    J’engage mon exposé en « freestyle », sans appuie de mon texte rédigé qui reste dans ma main elle-même située dans mon dos avec la seconde. Tout se passe bien, malgré une voix tremblotante, je ne semble pas avoir perdu mon auditoire qui reste dans un silence respectueux de monument aux morts. Puis vient les premiers bafouillement. Une maladresse. Un lapsus. Voilà quelques rires qui s’échappent et je perds momentanément mes moyens, m’obligeant à reprendre mon texte papier pour m’appuyer dessus. La lecture est infâme, trop rapide et monotone. Malgré avoir enlevé mes lunettes, je n’ai pas la vue suffisamment abîmée pour ne pas voir mes camarades du premier rangs. Et parmis eux, une de mes amies dont je suis secrétement amoureux. En fait qui était très bien au courant de mes sentiments pour elle pour les lui avoir confier 6 mois plutôt. Ce n’était évidemment pas réciproque. C’était aussi celle qui s’était mise avec l’autre amie, en duo, pour cette séquence d’exposé, me laissant choir. J’étais assez content qu’elle assiste à ça. Le petit garçon timide était en train de se montrer courageux. « Je ne suis pas aussi faiblard que tu le penses » aurais-je voulu lui dire. J’essaie de reprendre mon exposé sans support après m’être avoir baissé mon degré de panique intérieur. Cette alternance a dû paraître comme un contraste énorme entre deux instants. Plutôt que de varié dans des nuances de gris clair vers le gris foncé, j’étais passé subitement du gris clair au noir quasi-complet.

    Je fini. Ouf ! Je n’ai pas fait exactement les dix minutes. Mais j’ai sauté une idée en première partie et ma lecture s’est avéré extrêmement rapide. Le prof note cet effort, rare dans notre classe et chez les étudiant-e-s de cette licence en général, d’avoir parlé sans lire le texte. Même si le fait de m’être quelques instant appuyé dessus a permis aux camarades (me voilà pris en exemple) de comprendre la différence fondamentale entre ces deux manières de faire, de la façon quasiment la plus caricaturale possible. « Ca, c’est le meilleur exposé que j’ai entendu depuis bien longtemps » me dit ainsi le prof. « Votre camarade a parfaitement exposé son sujet, je n’aurai pas fait mieux. ». Je suis aux anges. Ce prof n’est pas n’importe qui et il est connu pour ses critères exigeant, mais assez explicites, clairs et certainement assez justes d’ailleurs. Il ne donnait pas les notes devant tout le monde. Pour lui c’était une affaire privée. Mais ces louanges disaient déjà tout. Je n’ai pas besoin d’avoir ma note. J’ai ma démonstration. Combien de personnes entendent-elles ça à l’université ? Voilà mes camarades bien mal positionné-e-s dorénavant. Le premier jour d’exposé, et l’un des étudiants a déjà fait la démonstration du niveau à atteindre. Ca peut être soit une bonne boussole, soit également la pelle qui creuse le trou de chacun-e. Le trou est de toute façon déjà en partie creusé pour eux et elles. En me laissant de coté, ils se sont privés de mes talents. Soit. Ils en assumeront les conséquences, s’en mordront les doigts. D’autant que j’étais seul. Et tou-te-s autant qu’ils sont, Ce sont des duos, avec deux cerveaux, quatre mains pour écrire et deux bouches pour exposer. J’ai été le vainqueur d’un jour. Un jour où je les ai tou-te-s vaincu-e-s pour les semaines qui allaient suivre.

    D’autant qu’une grève éclatera dans la fac par la suite, m’entrainant irrésistiblement dans le mouvement, implication d’autant plus difficile à ignorer pour mes camarades que je me ferais le relais d’information via e-mail. Et malgré leurs absences durant ce « printemps des université », ils n’auront même pas su se préparer pour les partiels de fin de semestre, où une fois de plus je me ferai remarquer. Au milieu de ce partiel de 2h, traitant de ce même cours, une heure à peine écoulée. Je me suis levé subitement. Un peu sonore. J’ai marché entre les tables, droits et déterminés, remettre ma copie aux surveillant-e-s et émargé. Quittant la salle alors que tout le monde grattait encore durement. Le second à sortir – mon homonyme – me traitant comme « son héros », d’avoir bouclé le partiel si rapidement. Même pas sabordé ou copie blanche. J’ai fini avec un 15/20. Et ma place assurée pour entrer en L3. Moi et seulement 39 autres personnes. Pendant qu’une centaine devait prendre le chemin des rattrapages.


  3. La Femme de ma vie

    J'ai toujours eu un rapport particulier avec les filles.

    A l'école primaire déjà, j'étais obsédé par deux d'entre elles. Je les suivais dans la cour de récréation. Elle marchait, en faisant le tour de l'espace récréatif. Il y en avait bien sur une des deux que je préférais à l'autre. Je n'ai jamais su son nom, bien qu'elle habitait prêt de chez moi et que je continuais de la croiser année après année dans ma petite ville. Même une fois à la fac, dans le bus que je prenais. Je les ai suivis pendant peut-être un ou deux ans dans cette cour de récréation. Jusqu'à ce qu'un camarade de classe vienne me pécher pour devenir son ami. Mon premier ami. Elle avait les cheveux noir, pas comme pourrait les avoir les gothiques – en noir absolu – mais noir quand même. Ainsi qu'une peau très blanche.

    J'ai toujours été attiré par les filles aux cheveux plus ou moins foncés. Roux au pire. Mais rarement blond. Ce qui est paradoxale puisque ma mère est blonde. Certains psychanalystes disent qu'on recherche toujours sa mère à travers sa future épouse. Cette ressemblance est surtout physique. Une fois ma cousine a rigolé dessus. Voyant que je préférais les filles aux cheveux foncés, elle me dit que cela me rapprochait plus du physique de la figure paternelle, puisque mon père a également les cheveux noir. Donc que quelque part j'étais un gay refoulé.

    Ma mère m'a raconté que quand j'étais bébé, avant 3 ans, avant que j'entre à l'école primaire, quand j'étais à la crèche, une jeune femme brune – ou en tout cas les cheveux très foncés – s'occupait souvent de moi. Il paraît que je l'aimais beaucoup. Du coup, je me demande si ce n'est pas cette figure là que je recherchais inconsciemment à travers le physique des femmes qui m'attiraient.

    Trouver une fille m'a préoccupé très tôt. Et même après avoir laissé tomber de suivre les deux filles précédentes, j'avais toujours une préférence secrète pour l'une ou l'autre de ma classe. Ça changeait selon les années. Ma maman me demandait chaque fois qu'elle fille je préférais dans ma classe, chaque année.

    * * *

    C'est au collège que je connu pour la première fois le sentiment amoureux. J'avais 12 ans. C'était une fille de ma classe, Nathalia. Je suis resté tétanisé devant elle pendant 2 ans, sans rien tenter pour lui plaire. Je l'ai connu en 5eme, on a parlé. J'ai eu plus de lien avec elle qu'avec d'autres personnes de la classe, mais c'était pas tout à fait une amie. En 4eme nous n'étions plus dans la même classe. Je n'ai pas cherché non plus à me rapprocher d'elle. Puis en 3eme nous nous sommes retrouvé une fois de plus dans la même classe. J'ai eu la chance de partager avec elle ma table en cours de musique. Mais je ne lui ai jamais beaucoup parlé. Parce que c'est ma nature de parler peu.

    Une fois, à ma grande surprise, elle voulu m'inviter à déjeuner avec elle, à la cantine. Mais ma maison est à peine à 5 minutes à pied du collège. Je ne suis jamais allé à la cantine durant mes années collège. Je ne pu même pas lui répondre que ça aurait été avec plaisir, si j'étais inscrit à la cantine, elle se rendit compte toute seule de sa bourde (comme on disait à l'époque).

    Un jour elle était intrigué par mon stylo. Un sorte de stylo-feutre. C'était tout nouveau, ça venait de sortir. Elle pris une feuille de papier et écris des choses dessus, fit un petit dessin. Elle me rendit mon stylo-feutre en me disant qu'il « marchait pas ». C'est vrai qu'à l'époque, on avait du mal à s'y faire à ces nouveaux stylos. Il fallait les tenir d'une certaines façon je crois pour que toute l'encre puisse sortir et pas donner l'impression d'arriver au bout de la cartouche. Plus tard, ils les ont améliorés. J'ai gardé cette feuille de papier avec moi pendant des années.

    Nathalia était brune, très petite et intelligente. Elle était loin du cliché des filles superficielles qui ne s'occupent que de leur apparence et parle de choses sans intérêts. Ça me plaisait chez elle. Mais c'était un repoussoir pour les autres garçons sans doute. Elle mettait par ailleurs très peu de bijoux.

    * * *

    En troisième, j'étais seul. Je n'avais plus vraiment d'amis. Mon meilleur ami avait déménagé au Portugal quand nous terminions notre année de 5e. Quant aux quelques autres que j'avais. Ils m'ont laissé tombé. Certainement sur pression sur leurs autres amis qui me méprisais. J'étais un garçon faible. Je passais mes coures de récréation derrière un arbre, au fond de la coure. Un jour, deux filles vinrent me voir et me proposèrent de rester dorénavant avec elles. L'une d'elle s'appelait Manon. Elle était rousse et très belle.

    Je suis resté avec elle les deux derniers mois de cours de 3e. Je savais que je doublais ma 3e, à cause de mes problèmes psychologiques, de dépression & cie. Elles, elles continueraient sans doute leurs routes. Et comme d'habitude, je ne parlais pas avec elles. Je restais à coté d'elles, silencieux. Sans doute parlais-je un peu plus quand j'étais seulement en face de l'une des deux, qu'on était seulement deux.

    Elles continueraient sans doute leurs routes... Du coup, quelque chose de pressant se fit en moi. L'exigence d'avouer à Manon mes sentiments pour elle. Étant beaucoup trop timide, je me disais qu'une lettre ferait sans doute l'affaire. Elle habitait elle aussi pas loin de chez moi, à quelques minutes à pieds. Un jour en allant au collège je fis un détour pour glisser la lettre dans sa boite au lettre.

    Lorsqu'elle me répondit, au collège, elle me dit qu'elle aimait un autre garçon. Ce fut ma première défaite affective. Ça m'a fait mal, comme n'importe qui qui a vécu sa première déception amoureuse.

    Je me suis néanmoins accroché. Elle aimait quelqu'un d'autre, mais rien n'affirmait qu'elle ne pourrait pas m'aimer si ça ne marchait pas avec lui. C'est comme ça que je voyais les choses. C'était sans doute stupide, mais bon... J'ai essayé de la voir durant les grandes vacances, mais nos emplois du temps de voyage vacanciers ne correspondait pas.

    J'ai tenté de la revoir ensuite à la rentrée. Et là elle m'apprit qu'elle avait un petit copain. Elle m'expliqua qu'il était très jaloux et que je ne devais plus rappeler.

    Cette séparation totale et que je pensais définitive avec l’être aimé me fit aussi mal, sinon peut-être plus que quand je fus contrarié dans mes sentiments pour elle.

    Cette seconde année de 3e, je la passa en hôpital psychiatrique, dans un établissement spéciale pour adolescent, dans un coin campagnard. J'y suis resté un an. C'est ce qui était prévu. Mais les médecins et mes parents auraient voulu que j'y reste plus longtemps, ce que je me refusais à faire. Je ne m'y plaisais pas. J'avais toujours très peu de lien avec les gens de mon service, ou avec ceux de ma classe. J'avais envie de revenir dans le circuit classique scolaire.

    Je vis Manon une seule fois cette année là. Par hasard à un arrêt de bus, alors qu'un taxi me ramenait chez moi. Mon cœur se mit à battre très vite et je compris alors que j'étais toujours amoureux d'elle. C'est sans doute pour ça aussi que je voulais revenir dans un lycée normal. Pour espérer peut-être la revoir.

    * * *

    Espérer, oui, c'est le bon mot. Une fois au lycée j'ai passé une année entière à la regardé me croiser dans les couloirs de l'établissement, espérant qu'elle me verrait, qu'elle viendrait me parler et qu'on redevienne amis. Nos regards se sont croisé des fois. Ça oui. J'étais trop timide pour en faire plus.

    Mais un jour je pris mon courage à deux mains et ayant trouvé son blog, je vis son adresse MSN (c'est comme ça qu'on appelait le logiciel pour chater sur internet à l'époque) dans un commentaire. Je décida de l'ajouter à mes contacts pour commencer à discuter. Ce qui se fit.

    Malheureusement je me trouvais incapable de faire plus. On parlait bien sur MSN mais j'étais incapable de lui dire ne serais-ce que bonjour dans la réalité. C'est stupide sans doute, oui.

    Le pire étant que je faisais souvent des sous-entendu sur son blog, dans les commentaires. Ça lui fit peur un jour. Ça s'est fini par une dispute. Doucement je me disais qu'il fallait que je passe à autre chose, que ça ne se ferait jamais.

    * * *

    Je pu trouver une remplaçante à Manon en 1ere. C'était une fille qui était dans mon cours d'EPS (éducation physique et sportive pour les incultes de l'ancien temps), mais elle était dans une autre classe (nous étions plusieurs classes mélangées). Il se trouve que j'ai eu la chance de me retrouver dans une discussion avec elle dedans, grâce à une autre fille, l'une des rares personnes de ma classe à m'adresser la parole. Du coup, j'ai commencé à pouvoir dire bonjour à Charlotte quand nous nous voyions dans le lycée.

    Je suis même allé vers elle à plusieurs reprises. Lors d'une récréation où elle était dans les couloirs du lycée, je suis allé la voir. Sans doute n'aurais-je jamais su quoi lui dire. Mais ce n'était pas grave parce que c'est elle qui n'a pas arrêté de parler.

    Je suis ensuite allé la voir dans des récréation, dans la coure de récréation, quelques fois.

    Puis un jour, elle se mit systématiquement à me refuser à me faire la bise. Elle me demanda même de partir un jour que j'étais à coté d'elle en récréation. Je compris que si quelque chose ne changeait pas elle allait me tourner le dos. La seule idée « brillante » que j'ai eu fut de lui avouer mes sentiments dans une lettre que je lui remis en main propre. Je n'ai plus jamais osé aller la voir et elle n'est jamais venu me répondre...

    * * *

    C'est en terminale que je tomba amoureux d'une autre (est-il besoin de préciser que toutes les filles dont je parle, je les ai aimées. Je sais, ça peut paraître étrange puisque je ne suis sorti avec aucune, mais c'est ce que j'ai ressentis, un sentiment très puissant, qui transcende tout. Ce fait amusa d'ailleurs ma psychiatre de l'époque qui y voyait un changement de fille réguliers chaque année).

    C'était une fille de ma classe. Elle s'appelait Lorie. Sans doute ne l'avais-je pas remarquer avant parce qu'elle avait un copain (je ne peux m'intéresser à une fille qui est déjà avec quelqu'un, c'est un principe non seulement éthique, mais aussi inconscient). La voilà maintenant célibataire. Et moi en andouille incapable de me rapprocher d'elle. J'avais un peu plus de lien avec les gens de ma classe, aussi en ai-je parlé à certaines filles (je ne parlais qu'à des filles à cette époque, j'étais bien trop différents des garçons ordinaires). Elles finirent par tout lui balancer (solidarité féminine oblige). Du coup Lorie m'évita à la fin de l'année scolaire.

    * * *

    Vint ensuite le choix de mon orientation future. J'ai eu beaucoup de mal à la choisir car je n'avais aucun projet professionnel. Je ne savais pas où aller, ni que faire. Dans mes vœux d'orientation, je mis au hasard un BTS informatique que j'avais repéré en seconde lors du salon de l'étudiant. Bien que ça ne m'intéressais plus tellement. Puis en regardant les formations sur le site de mon université de secteur, je trouva une licence en sciences de l'éducation/sciences sociales. Et la lumière s'alluma ! Non seulement c'était un domaine d'étude qui me plaisait (j'aimais bien la sociologie au lycée), mais en plus – sans pour autant avoir trouvé un projet précis – je sentais que ma vocation était de travailler dans le social, ou dans l'éducatif. Bien qu'étant très renfermé, je me disais que rien n'était impossible quant au fait de sortir de ma coquille. Et je me sentais même de plus en plus prêt à le faire.

    Dans cette licence je retrouva une camarade de classe avec qui j'avais très peu parlé, Sophie, et que je n'appréciais à la base pas trop (ce qui était sans doute réciproque). Mais grâce au soutiens mutuel que nous nous sommes apportés l'un l'autre dans notre adaptation à ce nouvel environnement universitaire, j'ai appris à l'apprécier et à lui trouver des qualités. C'est grâce à elle que j'ai compris qu'il suffisait de connaître un peu mieux les gens pour mieux les apprécié, bien qu'on puisse leur trouver de loin des tas de défauts. Tout ça ce sont juste des imputations de notre propre esprit (comme dirait les bouddhistes).

    Dans cette licence, je me fis mes premiers vrais amis. Notamment Oriane, qui devint ma meilleure amie. Ce ne fut pas le coup de foudre, mais j'ai appris à l'aimer elle aussi au fur et à mesure. Avec elle j'ai partagé plein de choses (mes cours essentiellement ! LOL). Mais bien sur aussi des moments de rire. J'ai d'ailleurs eu le droit à mes premières remarques en classe à cause de nos distractions, moi qui avait été pourtant si discret jusque là. Le modèle d'attention et de concentration pour tous mes camarades de classe. Ce fut sans doute la première personne que j'ai le mieux connu, après mon meilleur ami qui a déménagé.

    Ce fut aussi la première personne à qui je fis un véritable cadeau (venant du cœur). Quand j'étais petit, c'était ma mère qui achetait les cadeaux pour mes amis (oui, je sais, c'est nul). Juste avant les vacances de Noël, Oriane me fit savoir qu'elle avait oublié mon cadeau de Noël chez elle et que par conséquent je ne l'aurais qu'après les vacances, au moment des partiels. Du coup, j'ai décidé de lui en offrir un également (jamais personne ne m'avait offert à cadeau de Noël excepté ma famille, comment pouvais-je anticipé la chose, surtout venant d'une personne que je connaissais depuis à peine 2 ou 3 mois?). Sophie lui ayant souvent parlé (plus que moi en tout cas – ben oui, entre filles...) je lui demanda conseil. Et elle me dit qu'Oriane aimait bien les bijoux. Ma petite sœur eu la gentillesse de m'accompagner à un bijouterie pour choisir un bracelet, qu'elle me conseilla d'acheter aux environs de 30€ pour l'époque (si ! Si ! On payait encore si peu cher à l'époque, aujourd'hui, forcément...). Je le choisis moi-même, à l'inspiration.

    Oriane fut ravis de ce cadeau, qu'elle porta tous les jours pendant longtemps.

    A la fin de l'année, elle m'offrit un autre cadeau, une peluche Bob l'éponge. J'ignore pourquoi. Du coup, durant les grandes vacances, je lui acheta une peluche de vache (elle adorait les vaches!).

    Peu de temps après, plus ou moins contraint, je lui avouais mes sentiments. Ce n'était pas que je le voulais. Mais un soir sur MSN elle évoqua quelque chose, c'était ambigu pour moi, je lui demanda de m'expliciter ce qu'elle voulait dire. Elle voulait en faire parler de mes propres ambiguïtés envers elle. C'est là que j'ai tout lâché. Elle me parla avec gentillesse pour me dire que moi et elle on était trop différent pour sortir ensemble. On pouvait être amis, bien sur, mais pas plus.

    * * *

    Quelques semaines après, je m'intéressai a une autre fille de ma classe, Emma. Je réussis à me rapprocher d'elle au point d'aller un peu lui parler tous les jours. Et je découvris alors qu'elle avait un petit copain. Je sais pas pourquoi, malgré ça je prenais plaisir à aller la voir. A un moment elle cessa brutalement de me parler, ayant certainement compris mes sentiments pour elle. Plus tard, l'une de ses ex-amies me confiera qu'en réalité elle me détestait profondément et ne cessait d’être vache avec moi dans mon dos.

    * * *

    C'est au cours de la même année que je fis mes premières armes dans le militantisme, dans un mouvement de protestation contre la privatisation de l'université et contre un changement de formation des futur enseignant. Ma licence était directement concerné notamment par ce dernier point puisque la majorité des étudiant-e-s voulaient devenir professeur des écoles. C'est au même moment que je rentra au NPA, Nouveau Parti Anticapitaliste, qui avait à cette époque de vraies revendications anticapitalistes (aujourd'hui évidemment « anticapitaliste » est un mot qui sonne creux pour tous les partis politiques qui s'en réclament ; ils n'ont plus rien d'anticapitaliste, si ce n'est dans un discours qui ne les feront jamais de toute façon parvenir au pouvoir, puisqu'ils ont faux sur toute la ligne).

    C'est à cette occasion que je rencontrai une fille petite, mais mignonne, qui était d'un an plus âgé que moi, et qui était dans l'année de licence supérieure à la mienne. Elle s'appelait Margot. On sympathisa très vite et au fur et à mesure je tomba amoureux d'elle. J'y ai cru. J'ai cru qu'enfin, ça allait se faire, qu'enfin j'aurais ma première petite copine à 20 ans (presque 21). Je me souviens notamment de la première fois que je lui ai proposé qu'on se voit un peu en off de tout ce chambardement militant. Elle me répondit qu'elle ne pouvait pas, qu'il y avait les révisions pour les partiels. Et puis à ce moment là, elle me fit pour la première fois la bise, pour me dire au revoir. Chose que j'avais prise pour un signe. On s'entendait bien. Et j'avais une forme de galanterie envers elle de la raccompagner à la fin de chaque journée à sa voiture.

    Tout comme pour Manon, je me suis sentis contraint par la force du temps à lui avouer mes sentiments. Elle serait à l'IUFM l'année suivante, loin de mon bâtiment de sciences de l'éduc' et sciences sociales. Je le fis un soir de mai. Ce fut la première fois que j'avouai à une fille mes sentiments en face à face (sans passer par MSN comme pour Oriane). Ça s'est bien passé, certes, mais évidemment, elle ne voulut pas de moi. Sa raison : elle avait quelqu'un d'autre en tète.

    Je me suis sentis perdu ensuite. Et, tout comme Manon, je me suis laissé espérer que si ça marchait pas avec et autre quelqu'un, peut-être qu'elle voudrait bien de moi. Mais j'ai sans doute été trop présent dans sa vie à ce moment là. Venant à la fac chaque jour, je l'appelais aussi à chaque fois pour savoir si on pouvait se croiser. Je l'appelais et j'allais la voir sur MSN. A un moment elle en eu marre et me le fit savoir. Quoi de plus normal au fond. Ça a été brutal. Avec ce qu'elle m'a dit cette fois là, je me suis ensuite posé plein de questions. Je pensais qu'elle pouvait sous-entendre qu'elle ne m'avait jamais supporté en fin de compte. Mais je n'étais pas sur. J'ai attendu tout l'été qu'elle fasse un pas vers moi, sur MSN, juste voir comment j'allais à un moment ou à un autre. Mais elle ne le fit jamais.

    * * *

    A la rentrée universitaire suivante, les camarades du comités de grève voulurent créer un syndicat local indépendant. J'y participai. Je ne m'attendais pas à ce que Margot fasse parti de l'aventure. Pourtant, quelques réunions plus tard, la voilà avec nous. J'ai été déboussolé de la revoir. Je ne savais pas comment je devais me comporter avec elle. Le début était pourtant encourageant. Quand elle m'a vu arrivé elle a dit « c'est chouette de revoir certaines personnes ». Je n'étais pas bien sur qu'elle parlait de moi ou pas. Je ne lui ai même pas fait la bise.

    Au fur et à mesure pourtant, ces barrières psychologiques stupides, que je m'étais infliger par rapport à elle, tombait. Et c'est elle qui les faisait tomber. D'abord en me proposant gentiment un bonbon à la sortie d'une réunion du syndicat. Je n'osais toujours pas venir la voir sur MSN, c'est donc elle qui fit le premier pas, un soir que je disais chercher un avatar dans mon statut. Elle dessina un portrait de moi façon « déblok » (une bande dessiné que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître) que je garda longtemps comme avatar MSN, image de profil facebook, google+ (c'était les premiers réseaux sociaux) et quelques autres forum.

    Le jour se son anniversaire, c'était un jour de réunion syndicale, tout le monde le lui souhaita. Il y eu même un gâteau à manger durant cette réunion. Moi, je m'étais ramené, un peu stupidement, mais avec un de l'attention pour elle, avec une tablette de chocolat que je lui offrit discrètement quand elle parti en avance pour aller au restaurant avec ses parents.

    Un autre souvenir de cette même période, le premier semestre de cette année là, c'était à la sortie d'une réunion syndicale. Certains voulaient aller manger ensemble et Margot, fatiguée, voulait rentrer chez elle. Les gars faisaient un peu pression. De peur de louper de lui dire un au revoir personnalisé, je lui dit de loin « bonne soirée Margot » et elle s'approcha vers moi. J'ai cru un instant qu'elle tendait la main vers moi, comme si elle voulait que je lui fasse un baise-main. Mais les souvenirs sont troubles. Je sais néanmoins que je ne lui en ai pas fait.

    Une autre fois nous avons diffé des tracts, juste elle et moi. Je lui ai ensuite proposé de manger ou de boire quelque chose. Ce qu'elle n'a pas voulu – pas par rapport à moi, mais parce qu'elle n'en avait pas envie.

    Ainsi, nous nous sommes remis à parler peu à peu.

    Plus tard je découvris que des garçons du syndicat ou amis de syndiqués invitait Margot à déjeuner. Je me sentais stupide, parce que c'était moi l'amoureux (eh oui, toujours, les sentiments n'était pas partis) et c'est moi qui ne faisais rien pour que ça marche. Ce n'est qu'à la fin de l'année universitaire que je pris le courage de l'invité à déjeuner. On déjeuna d'ailleurs plusieurs fois ensemble. Mais... jamais seul. Il y avait en effet toujours une ou deux personnes du syndicat qui traînaient aussi sur la fac à ce moment là. Du coup, impossible d’être seul avec elle.

    Pendant les vacances d'été, voilà qu'elle propose sur Facebook durant une semaine, ou quelques jours – j'ai complètement oublié comment ça s'appelait, mais les places de cinéma était à 3€ cette semaine là (eh oui ! Maintenant y a plus de réduction et les places sont beaucoup plus cher !)– de venir avec elle au cinéma si on voulait. Matin, midi et soir, elle allait au cinéma avec des amis. J'ai donc dis que je voulais aller avec elle. N'étant pas tout le temps disponible, j'ai choisis le jour du milieu de semaine. Par chance, nous nous sommes retrouvés à deux seulement. Et j'ai pu savourer mon premier rendez-vous au cinéma avec une fille, ou même ne serais-ce qu'avec un-e ami-e, puisque je n'allais habituellement au cinéma qu'avec ma famille.

    * * *

    A la rentrée suivante, nous tentions de relancer le processus de notre syndicat local. Notre organisation était « malade » comme disait un de mes camarades trotskiste du NPA qui avait de nombreuses années d'expériences derrière lui. Il savait pourquoi. J'étais pressentis par l'ancien secrétaire générale pour prendre sa place. Je m'en sentais capable, au début. Oui, pendant quelques semaines j'ai eu un sentiment de toute puissance. Rien ne me semblait plus insurmontable. Puis la machine a commencé sa lente pente de « détraquage ». J'ai soudain sentis ma tête comme sclérosé. Il m'était devenu impossible de penser, de réfléchir. Au fur et à mesure, je ne voulais plus devenir ce secrétaire général de syndicat.

    Un mouvement commençait, un mouvement contre une réforme des retraites qui devait nous faire travailler jusqu'à 62 ans (évidemment aujourd'hui on travaille jusqu'à 70 ans et on dit de ce temps là que c'était un temps de fainéant ; nous, nous défendions le fait que peu de personnes pourraient aller au bout de ces 62 ans, ce qui se révèle exacte par des rapports associatifs que les gouvernements de nos jours rejettent pour cause de « rapport partisan ») voir 67 ans pour toucher la retraites à taux pleins. Nous faisions des interventions dans les classes, la amphis, pour préparer nos AG étudiantes. Nous étions emmenés par unefiens (du syndicat UNEF, aujourd'hui disparu) qui avait appris un argumentaire par cœur. Pourtant, moi, dans ma petite tête, je savais que je pouvais faire MON argumentaire. Mais je ne me sentais pas capable d'intervenir devant des groupes d'étudiant-e-s. Cela m'était pourtant arrivé l'année précédente, pour faire de la propagande en vue d'élection aux conseils universitaires.

    A mon anniversaire, c'était jour de manif. Manifestation que je passai avec Margot. Elle m'offrit à cette occasion une petite boite de bonbon. La première fois depuis Oriane que quelqu'un d'extérieur à la famille m'offrait un cadeau pour mon anniversaire.

    Au début du mouvement, je ne loupais pas les cours. Puis c'est devenu de plus en plus fréquents. Un jour, un prof nous donna un devoir. Il fallait faire une expérience sur un moteur de recherche sur internet, se demander comment ça fonctionnait etc. L'expérience c'était évidemment à nous que la construire, de la choisir, de la créer. Mais ma tête resta désespérément vide sur ce sujet. Je me mis à douter sérieusement de mes capacités à avoir ce master. Si j'étais incapable de réfléchir sur un bête problème comme celui là, comment ferais-je pour réfléchir sur mon mémoire ? Pour, même, ne seulement avoir l'idée du mémoire ?

    Une chose de positif néanmoins, j'ai pu invité Margot à déjeuner au cours du mois d'octobre. Et nous ne déjeunâmes que tous les deux, dans une crêperie bretonne. Le déjeuner ne fut pas ennuyeux. Ce fut agréable. Nous parlâmes bien. Après celui-là nous avons fait quelques boutiques dans le centre commercial dans lequel nous étions. Puis nous sommes repartis. En repartant vers le métro – de là d'où nous venions – nous croisâmes des militants qui venaient aussi parlé de la réformes des retraites aux gens fréquentant le centre commerciale. Nous parlâmes un petit peu avec l'une d'entre eux. Puis Margot me demanda si je pouvais la raccompagner jusqu'à un certain point. Me demandant ainsi à faire un gros détour avant de rentrer chez moi. J'ai accepté en silence, ce qu'elle ne se rendit compte qu'après avoir dépassé la station de métro à laquelle j'étais censé descendre. J'ai trouvé ça cool comme demande.

    Plus ce premier semestre de master passait, plus la lutte contre la réforme des retraites s'intensifiait et plus, je me sentais mal. Un matin, en proie à de grandes souffrances psychiques, je voulu dormir encore. J'étais à l'époque avec un somnifère. J'en pris un. Dormi une heure et me réveilla. J'en pris un autre... bref j'en ai abusé et je ne pu pas me rendormir alors que j'avais cours. Je décida d'aller à la fac quand même. J'allai au café solidaire tenu par mes amis. Il y avait Margot. Cette journée là, peut-être s'en est elle souvenu longtemps après. Sans doute avait-elle deviné mes sentiments à ce moment là. J'étais venu à la fac en voyant double. Je vomis mon déjeuner à coté du café solidaire. Et mon comportement avec Margot... Je découvris plus tard qu'un abus de ces somnifère provoquait un état « d'ébriété ». Je n'ai pas fait grand chose. Mais j'ai fait des choses que je n'aurai jamais cru faire. J'ai posé ma tête sur son épaule, peut-être 20 ou 30 secondes. Elle s'était laissée faire... Puis je m'étais amusé avec ma main à faire l’araignée qui montait sur son bras. Comme pour les petits enfants. Et enfin, je lui ai dit de manière plus ou moins (in)direct qu'elle était belle.

    Toujours en proie à mes souffrances psychiques deux semaines plus tard, je souffrais en plus de cet amour non partagé pour Margot. Du coup, j'ai pris une grande décision. Je lui ai re-avoué mes sentiments. Par mail cette fois. Le truc que j'avais écris... quelque part il y avait une évidence que je savais que ça ne se ferait pas. Je lui disais même de me fendre le cœur, pour vous dire à quel point j'étais quasi-sur de son rejet (après pourtant avoir beaucoup espéré les semaines précédentes). Comment pourrait-elle vouloir d'un garçon qui va si mal ? Elle me répondit en disant que rien ne serait jamais possible entre nous. Et elle écrivit d'autres mots gentils voyant que j'allais mal (comme tout le monde le voyait aussi).

    * * *

    Mois de janvier.

    Un ami me pousse, vu mes échecs amoureux, à aller consulter une voyante. Lui, ne doutant pas un seul instant de ma possibilité de sortir et de trouver un jour la femme de ma vie, pensait que cela me rassurerait si la voyante ressentais que mes histoires avec les filles finiraient par trouver une issue heureuse. J'acceptai sous la pression.

    Lorsque je me présentai à la voyante et qu'elle me demandait quelle question je voulais lui poser (chaque question était payante bien évidemment et avec mon argent de poche je n'étais prêt à payer qu'une fois), je pu me résoudre à lui poser une question sur mon avenir. J'étais beaucoup trop sceptique sur mes capacités à plaire à une fille, et à pouvoir maintenir une relation amoureuse. Obéissant tout de même à l'exigence de mon pote de m'en remettre à elle, je lui posa une question au présent qui était « Est-ce que je connais déjà la femme de ma vie ? ». Question qui me permettait de garder un minimum d'optimiste. Si c'était oui, ça veut dire que j'étais tout proche de la découvrir. Si c'était non, peut-être ça voulait dire qu'il y en avait pas, mais peut-être cela voulait-il dire que je ne le connaissais pas encore.

    Mon ami me fit « Zyva pose une autre question ! Elle est naze celle là ! » (on parlait encore le verlant à l'époque, ce n'est qu'une génération plus tard que les jeunes inventèrent le Lenvers, qui consistait en fait à remettre les mots à l'endroit). Mais je ne pliai pas cette fois. Et je posai ma question.

    La réponse fut « Oui ».

    De là, j'ai commencé alors à « écumé » les filles que je connaissais et qui me plaisait. Je ne voulais plus me laisser envenimer par un quelconque sentiment amoureux tant que je ne l'aurai pas trouvé. Je demandai donc à certaines filles que je connaissais si elle voulait sortir avec moi. Après tout, je les connaissais toutes relativement bien, et au point où étaient nos relations elles devaient savoir elles-mêmes où elles en étaient par rapport à moi.

    Je demandai donc d'abord à une fille de mon ancienne classe de licence, avec qui je m'entendais très bien et qui me plaisait depuis longtemps. Je m'étais même rapproché d'elle l'année dernière, mais étant toujours amoureux de Margot j'avais refusé de pousser la relation plus loin. Elle ne voulu pas de moi, alors que j'avais beaucoup espéré le jour où je lui ai envoyé ce message privé via facebook. Elle n'était « pas du tout intéressé ».

    Ce fut ensuite le tour d'une autre ancienne camarade de classe avec qui je m'entendais aussi bien. Idem. Puis enfin, une fille de mon syndicat. Rebelote.

    Bien d'autres filles m'intéressaient. Mais elles étaient déjà toutes en couple. Et je ne suis pas un garçon machiavélique qui se donne la liberté de briser les couples pour arriver à ses fins. J'avais 22 ans, et oui, beaucoup de filles de mon age était déjà casée avec quelqu'un. Même si ils ne vivaient pas encore ensemble. Sophie en est l'exemple le plus manifeste, elle avait déjà trouvé son âme sœur alors que nous venions juste d'entrer à la fac. A la fac nous avions rencontré des filles déjà fiancée...

    * * *

    J'ai complètement loupé mon année de master et je décidai de l’arrêter me sentant incapable d'avancer dans cette voie là à cause de mes problèmes d'impossibilité de réfléchir (ce qui peut paraître étrange, mais c'est ce qui était). J'allai voir la conseillère d'orientation psychologue qui m'orientait vers des licences pro. J'en choisis quelques unes. Qu'elle me déconseilla par la suite, voyant l'état dans lequel j'étais et du fait aussi de ce que j'appelais à l'époque mon « inaptitude sociale ». Après il était trop tard et je du me résigner à être l'année suivante sans fac.

    Je décidai donc de me préparer à des concours d’État. J'en choisis de catégorie B et C. Des postes en bibliothèque et d'adjoint administratif dans divers lieu. Je me sentais capable de les avoir (puisque je visais bas). Je révisai.

    Pendant ce temps là, mes liens commençaient à se défaire, n'étant plus trop socialisé à droite ou à gauche. Je continuais à voir Margot de temps à autre. Je l'invitais à déjeuner ; on se voyait en manifestation. A son anniversaire je lui offrit un « vrai » cadeau (bien que mes sœurs n'approuvaient pas ce genre de cadeau), deux bouquins en lien avec l'anarchisme et l'anarcho-syndicaliste (ce qu'elle était politiquement).

    Je réussis un concours : celui d'adjoint administratif de l'éducation nationale. J'ai du partir dans une petite ville dans la moitié sud de la France. Je m'y suis trouvé un studio. Un petit endroit de rêve, pas bien grand, mais l'essentiel était que ma bibliothèque tenait.

    Je perdis peu à peu mes liens avec mes contacts de mon ancienne région. Appeler Margot au téléphone perdait de plus en plus son sens, au point qu'un jour j’arrêtai complètement. Tout comme parler à des gens sur facebook, ou au téléphone, des amis ou autre, même la famille. Je n'avais rien à dire de ma vie, d'ailleurs je n'en avais jamais rien eu à dire auparavant.

    Je me suis syndiqué. Mais il n'y avait pas de comité NPA dans cette ville là. Ce fut l'occasion de garder contact avec Marc qui me conseillait des choses, histoire de donner un coup de gauche dans la fourmilière syndicaliste. Et ça réussissait bien.

    Il mourut quelques temps plus tard. D'une crise cardiaque. Il en faisait beaucoup trop pour son age. Avec la direction du NPA, le fait qu'il ne dormait presque pas...

    Après ça, ce ne fut plus pareil dans le syndicat. Il se trouvait que je m'y prenais mal. Et plus en plus mal. Du coup, rien de ce que je souhaitais ne passait. J'étais maladroit. Et les syndicats collaborant de plus en plus avec les gouvernements bourgeois, de gauche comme de droite. J'en ai fini par m'en dégoûter.

    * * *

    Je suis revenu à un autre intérêt que j'avais couvé depuis longtemps : outre faire la Révolution, trouver une femme, une personne intime féminine, je voulais également être un « sage ». J'ai toujours été très admiratif de personnages comme Diogène de Sinope, Épictète, le Bouddha Shakyamouni, Jésus... Je définissais leur être intérieur comme une Liberté métaphysique retrouvée, que j'aspirais également à obtenir. J'ai replongé avidement dans leur doctrine et dans celle du détachement et du renoncement plus précisément.

    J'ai appris à mettre un terme à mes désirs insensés, ces rêves que je portais en moi et qui ne serais jamais réalisés. Ce ne fut pas simple, car il me fallait un contrôle mental très fort. J'ai appris ce qu'était la volonté première le l'être. Il m'a fallut également apprendre à surmonter mes angoisses, à rejeter mes aversions. Tout mon chemin s'est borné à accepter (ou à vouloir) tout ce qui arrivait - « bon » comme « mauvais » et à rejeter les espoirs, désirs, attentes, ainsi que l'aversion pour les choses que je n'aimais pas, pour celles qui m'angoissaient, qui me mettaient mal à la l'aise, ou que sais-encore.

    Oui l'ataraxie, c'est ça que je cherchais. Et c'est ça que je cherche toujours...

    * * *

    Aujourd'hui j'ai 45 ans. Et me voilà gravement malade. J'ai un cancer des poumons. Je meurs petit à petit. Nous sommes à l'approche des fêtes de Noël, et ce sera le dernier en ce qui me concerne. Tout ça à cause de la cigarette... Non, je ne fume pas et je n'ai jamais fumé. Mais mon médecin m'a expliqué que comme nombre de cas, j'avais été victime du tabagisme passif. Victime en premier lieu du tabagisme actif de mon père, qui fumait constamment dans la maison, là où même beaucoup de familles de fumeurs allait au moins à la fenêtre – du moins, à notre époque. Mon père à 70 ans aujourd'hui. Il est toujours vivant, lui. Il se porte relativement bien. Je vais pas dire très très bien. Mais il tient debout, c'est l'essentiel. Je partirai avant lui et avant ma maman aussi... pauvre d'eux perdant leur fils.

    Et la femme de ma vie ? Vous demandez vous. La voyante avait raison. Je la connaissais déjà. C'était Margot.


  4. Le Relai (récit d'un acte absurde)

    Aujourd'hui, je prenais le RER principal pour aller faire la fête chez des ami-e-s. Alors que j'écoutais dans mes écouteurs une musique qui ne correspond pas à mon origine sociale (bénit soit elle) je sentis au fil du temps mon derrière se chauffer. Non pas une quelconque créature qui viendrait investir le désir de mon corps ; mais alors que la saison est au froid et qu'il faut s'habiller en conséquence, le siège retenait anormalement la chaleur de mon postérieur alors que la RATP à autre chose à faire qu'à investir dans des équipements commode pour ses usagers. Je vis alors que j'étais assis-e sur une pochette noire, épaisse, dure. Quelqu'un l'avait oublié là. Impossible de savoir à quelle heure, depuis combien de temps, elle traînait là. Le RER était au trois quart vide quand je suis entré-e et je n'avais vu personne à cette place là avant que je me l'approprie. Curieux-se j'investigue la pochette et jette un œil sur les papiers médicaux qu'il contenait. Un dossier dans la pochette nommé « radiographie », une ordonnance médicale, un résultat de test sanguin... Le dossier est peut-être important.

    J'ai tourné les yeux au Ciel et j'ai annoncé au « Seigneur, je ne vous décevrai pas devant cette Mission personnelle que vous me confiez ».

    Quand je suis rentré-e chez moi après la soirée de beuverie de laquelle j'ai suis revenu-e sobre, j'ai parlé de la Mission à mon père Lepeniste. Quelle idée ! Dès qu'il a vu le Nom de la personne à consonance arabe, le voilà parti dans une diatribe xénophobe.

    • Franchement ces arabes, ils veulent qu'on fasse tout pour eux ! Ils viennent en France ; ils profitent des avantages sociaux ; tout cet argent que l'État leur laisse profiter à loisir et qui proviennent de mes impôts ! Et après il faudrait qu'on leur ramène leur dossier médicaux !? Et puis quoi encore ? Tu vas leur faire le taxi pour qu'elle aille se faire épiler ? Franchement, laisse tomber. Ils ne valent pas la peine. Ils ne sont pas comme nous. Pas aussi responsable. Pas aussi abrutis. La preuve : qui aurait oublié un dossier aussi important dans les transports publics ? Hein ? Dis !?

    Mais mon père non saint d'esprit n'entravera aucunement ma volonté. Je trouvai la trace de la dame via google, non dans les pages immaculés – mais bien dans des référentiels d'entreprises. Bien qu'ayant à peine la trentaine, la dame avait une place suffisamment importante dans les boites qu'elle avait occupé pour que son numéro de téléphone traîne sur internet et s'occuper ainsi de relations clients.

    J'eus une autre discussion avec ma mère :

    • Mais pourquoi veux-tu te donner tant de mal pour quelqu'un que tu ne connais pas ? Cette personne est responsable de la perte de ses papiers, qui ont une importance non des moindres ; elle ne doit pas être très sérieuse cette dame là. Laisse là porter le fardeau de son irresponsabilité et ne perd pas ton temps dans un acte absurde qui ne t'apportera rien.

    • Comment peux-tu conclure que ça ne m'apportera rien ?

    • Mais enfin ! Tu vas la contacter, lui rendre, et après ? Tu vas revenir comme tu aurais du revenir ce matin de ta soirée si cette dame avait été responsable : sans rien ! Ce n'est pas rationnel comme décision que tu prends. Tu vas te faire exploiter par ta gentillesse, ta naïveté. Il faut arrêter de croire à cet altruisme infantile et infantilisant. Ça c'est bon pour les histoires pour enfant. C'est d'ailleurs une erreur de leur apprendre de telle sornette. Il faut les préparer à la cruauté du monde.

    • Plutôt que de leur apprendre que si chacun d'eux agissaient de manière altruiste il se passerait autre chose ?

    • Mais enfin ! Qui vois-tu agir de manière altruiste ???

    • Je pensais que tu me reprochais d'agir ainsi !

    J'y suis allé. J'ai appelé cette dame et lui ai donné rendez-vous près de chez elle, à un centre commercial. J'ai pris mon ruban rouge de révolutionnaire que j'ai attaché à mon sac à dos. C'est avec ceci qu'elle m'a reconnu. Elle a été d'ailleurs reconnaissante à mon égard. Verbalement dans un premier temps. Insistant sur le caractère rare d'un tel acte. Mon acte absurde comme dirait ma mère. Elle a bien voulu m'offrir un café. Mais j'ai refusé (elle n'a pas vu que j'étais trop jeune!). Je lui ai dit : « maintenant, c'est à vous de vous engager de faire un acte absurde, un acte de don, un acte de service, envers un ou une inconnue, de le faire sans préjugé et sans jugement ».


  5. tenpo wan la mi sona e jan Mali

    tenpo luka la ni sike e suno. tenpo pimeja la mi tawa e toki sike pi jan kama suli pi nasin kulupu. mi tawa tenpo ike. mi kama lukin e ni: jan meli li tawa nasa. mi lukin taso e monsi ona ni. ona li jo linja pimeja. mi tawa e jan meli ni. mi wile toki e ni tawa ona: sina pona ala pona? taso jan meli ni li toki e ni tawa mi nanpa wan: mi sona ala tawa. pona! mi mute wile tawa e sama.

    tenpo ni la mi lukin sinpin e sina. mi pilin e ni: pona lukin li jan meli ni. len suli loje en ijo pi pona lukin pi anpa lawa en ijo pi pona lukin pi anpa luka li pona lukin e ona ni.

    mi mute open e toki. nimi jan meli ni li Mali. ona li sona e jan Kamelo. jan Kamelo li jan pi kulupu wan pi jan kama sona. jan Mali li jan pi kulupu sama ni. jan Mali li toki e ni tawa mi: sina e lipu toki nanpa seme? tenpo pini la lawa pi nasin kulupu li wile sona e ni: jan pi nasin kulupu li poka e lipu toki wan anu lipu toki tu anu lipu toki tu wan. lipu toki wan li pona lili tawa mi. lipu toki nanpa tu li wawa. lipu toki nanpa tu wan li wile wan e nasin kulupu ante. taso mi pilin e ni ike. mi toki e ni tawa jan Mali: mi wile e lipu toki nanpa tu. ona kin li wile e ni. taso ona li wile e lipu toki wawa. lipu toki nanpa tu li wawa lili tawa ona ni. jan Mali li lon insa anpa kulupu pi nasin kulupu. ni kulupu li poka nasin pi jan Toski. ni li wawa li wile wawa e nasin kulupu. mi pilin lili. ona meli ni li suli.

    mi mute toki e ijo mute ante. taso mi sona ala ni. tenpo lili la jan Mali toki musi. kute ona li pona tawa mi.

    tenpo jan mute la toki sike li open. jan Mali li toki e ni tawa jan mute: jan pi kama sona li utala ala e kulupu lawa pi ma. taso jan mute li pilin li wile e ni: jan pi kama sona wile utala e kulupu lawa pi ma. mi mute li wile toki li wile sitelen e ni tawa jan ni: o utala e kulupu lawa pi ma!

    mi sona ala e pilin. mi pilin e ni pona: toki jan Mali. taso mi pilin ala e ni: ken la mi mute pali e toki pi jan mute ni la jan pi kama sona li utala e kulupu tawa pi ma.

    tenpo pini pi toki sike la jan Mali toki e ni tawa mi: sina wile ala wile moku e telo nasa poka mi? mi toki e ni: wile ala tan mi wile lape. taso mi wile ala lape. mi wile ala e ni: mi moku ala e telo nasa la mi sama jan nasa tawa ona ni. mi tawa lon e supa lape. mi ken ala lape. lawa mi li toki e ni tawa mi: sina nasa ! o jan nasa! o jan nasa! jan meli pi pona lukin li wile moku e telo nasa poka mi. mi toki e ni: wile ala. taso mi wile lon poka ona ni.

    tenpo suno kama la mi lukin e ni: jan Mali li poka jan mije. ona meli ni li sike kepeken luka ona ni e jan mije ni. mi kin lukin e ni: uta jan Mali li kepeken e uta pi jan mije ni. mi toki e ni tawa mi: mi wile ala e ni: pilin ike. pilin mi pi tenpo pimeja li ken ala.

    tenpo kama la jan Mali li jan pona suli tawa mi.


« Page 10 / 11 »