L’affichage à mon écran d’ordinateur du physique de mon meilleur ami d’enfance me surpris. Il me montrait sa photo le représentant actuellement alors que cela faisait des années, le tout début de notre adolescence, que nous ne nous étions revus. Sa croissance continué au Sud du continent, à la chaleur et à proximité de l’Océan, l’avait métamorphosé. Je le reconnaissais toujours à son expression du visage, ses yeux noisettes regardaient fixement l’objectif avec la volonté rectiligne dont il avait toujours fait preuve et sa bouche se tenait encore entrouverte comme c’était le cas à l’époque, une coupe de cheveux modernisé, un peu plus court et gellifié pour les faire pointer en l’air, avait rompu avec son portrait enfant sage de mèches coiffés sur le coté, bien plus jeune. Le garçon que je voyais n’avait cependant plus rien de celui que j’avais connu, son embompoint, objet de sarcasme et moquerie avait totalement disparu, sa carrure de nounours à laquelle mes bras peinait à faire le tour avait disparu. Il arborait dorénavant un corps musclé ; on devinait sous son tee-shirt moulant l’esquisse d’un damier abdominal, régulier et symétrique - prenant la place du ventre doux et lisse que j’avais connu autrefois - mais qui ne tombait pour autant pas dans la rigidité rugueuse et géométrique d’un athlète bodybuildé. Le soleil du Sud avait fait fondre sa carrure, mais par un procédé physico-alchimique ingénieux il avait renversé la chimie culinaire classique - là où toutes les recettes de grand-mères vous demandent de faire fondre des tablettes de chocolat en préparation d’une mousse, lui avait réussis l’opération inverse, une opération impossible : transformer son abdomen mousse en tablette de chocolat. Je comprenais maintenant comment ce garçon et ce physique ingrat autrefois moqué avait eu autant de succès avec les filles qu’il le prétendait ; et maintenant c’est moi qui fondait : "Ce que t’es beau!"
J’étais cependant loin du compte avec une photo dont l’angle était quelque peu trompeur car quand je le revis de chair et d’os je n’avais pas pensé qu’avec son affinement sa stature eu aussi changé. Il était grand. Terriblement grand. Il était devenu tellement autre chose, tellement homme, tellement respectable, impressionnant, saisissant et séduisant. Il avait toujours été plus grand que moi, mais peu avant son déménagement, ma croissance s’était accélérée au point d’entamer un rattrapage assez rapide de sa taille. Lui-même s’était toujours tenu, conscient de sa taille supérieur, de façon très proche de moi, protecteur. Ma brusque montée en centimètre ne lui fit jamais changé cette proximité qu’il maintint et à laquelle c’est moi qui fit les efforts pour m’adapter ; car si ma croissance eu été faite en quelques minutes, ce sont nos nez qui seraient venus se frotter l’un à l’autre, provoquant ainsi involontairement un baiser esquimaux entre nous. Sa posture, sa proximité, avait été le sujet de nombreuses remarques et collibets dans nos jeunes années; nous semblions trop proches ; anormalement trop proches ; mais de nous deux c’est lui qui concentrait le plus l’attention - il avait des manières un peu exaspérantes pour nos ancien-ne-s camarades ; il passait pour quelqu’un d’orgueilleux et prétentieux, un peu condescendant dans sa manière de pratiquer ce fameux métier d’élève qu’il incarnait en s’appropriant à la perfection tous les codes et les attentes de l’institution scolaire. Il semblait qu’en d’autres contrés, ses camarades eurent un avis tout à fait différent vis à vis de ces attitudes qui sont passés de défauts à qualités ; la réussite scolaire et donc le suivis d’une éthique scrupuleusement conforme aux attentes devenaient gages de réussites sociales, de stabilités financières et professionnelles : son orgueil était devenu une échelle d’exigence et sa prétention une ambition ; tout cela concourrait à le rendre désirable par l’avenir qu’il était promis à partager avec l’élue de son coeur ; tandis qu’ici le comportement des élèves correspondaient à une adaptation de différentes techniques et stratégies leur permettant tantôt de respecter et correspondre aux objectifs données, tantôt de les subvertir ; a peu de choses prêts il aurait pu passer pour un fayot si le fayotage n’avait des exigences autrement supérieur desquels il se désintéressait partiellement. Mais il cherchait sans cesse à se faire voir et à se faire valoir - au point d’user de faire-valoir ? Il pourrait y avoir eu ce rapport de lui à moi ; je n’incarnais pas le même type d’élève que lui, sans être cancrelard ou médiocre, je jouais plutôt le rythme d’une régularité sans turbulence et sans distraction qui me rendait respectablement fréquentable sans menacer d’attenter à son terrain ; inversement j’aurais pu passer pour sa groupie - aussi chercha-t-il systématiquement à se présenter en tant que délégué de classe, projet où il ne cessa jamais de recevoir mon indéfectible soutien.
Au dire des ragots de l’époque, cette proximité qu’il entrenait avec moi, la permanence de notre présence l’un à l’autre, laissait entendre que - du moins lui - éprouvait une attractivité singulière à mon encontre, ce qui le catégorisait comme homosexuel auprès de nombreux et nombreuses camarades collégiennes. En fonction des interprétations, on relevait derrière ma passivité soit une forme d’ignorante innoncence, soit un rapport moins (re)marqué mais réciproque - auquel cas j’étais son petit copain. Mes camarades de l’époque seraient surpris-es de devoir renverser les histoires générées par leur imagination débordante : mon ami était devenu un tombeur de premier ordre chez la gente féminine et maintenant c’est moi qui succombais à lui aussi. Bien que ma tête était tourné vers le haut pour m’adresser à son visage, je constatais que je pouvais dorénavant faire le tour de son corps avec mes bras, tandis que lui-même pouvais continuer à m’envelopper entièrement. je souhaitais juste me perdre dans les siens ; et tandis que nous nous rapprochions je remarquais combien son visage, à ma satisfaction, mainquait de pilosité ; je pouvais lui déposer des baiser sans cette sensation piquante et rèche de la barbe. J’étais charmé.