1. Traqueuse obsesionnelle

    J’ai toujours la même pensée quand je sors de ma voiture à 6h moins 10, je pense à cette traqueuse obsessionnelle à l’obession contagieuse. J’en suis sa proie et elle me le rappelle précisément à ce moment là tous les matins. C’est comme un piège ; c’est un lieu qu’elle semble s’être approprié. Elle ne cherche pourtant pas à m’attaquer. C’est plutôt un jeu ; un jeu sadique. Je l’a vois m’observer tout autour de moi alors que je me déplace entre les immeubles. Tout est silencieux. Tout est froid. Tout est pénombre. Le bitume, le béton, les néons, l’activité humaine s’est exprimée partout ; elle témoigne du mouvement expansionniste de la vie, de notre vie. Pourtant c’est cette traqueuse qui occupe les lieux. Bien qu’étrangère à notre monde, elle s’incarne remarquablement bien dans nos conceptions.

    Elle est habile. Son guidage se fait sans pression, sans sensation consciente, sans se faire remarquer. Une pierre qui roulerait sur une pente penserait qu’elle avance par elle-même sans même comprendre qu’elle a été le jouet d’un mouvement qui la précède, qu’il soit géologique, animal, ou un acte humain. Les chasseurs font de même avec les animaux et les guident dans leur piège en jouant des règles instinctives de ces pauvres bêtes qui se pensent toutes aussi libres que nous. Inconsciemment, ignorant que c’est cette traqueuse qui décide pour moi, je me laisse entrainer aussi impuissamment qu’un animal dans son piège, un piège sadique. Bien qu’elle ne souhaite pas encore me faucher, elle joue de mes sentiments et me rappelle sa présence dans ce parking ; elle accompagne mon mouvement, mon déplacement en faisant le tour des immeubles ; et dans un entre deux, le ciel apparaît dans toute sa hauteur ; c’est alors qu’elle contraint mon regard à se fixer sur mon destin en voyant le ciel : noir, inexistant. Je voyais encore les étoiles il y a une heure en sortant de chez moi. Ont-elles déjà fini leur cycle de dilatation-combustion pour s’éteindre dans l’univers froid et infini ? La réalité importe peu, c’est la vérité qui me fait face au-delà des temps. Mais je suis pareil à elles. Je m’éteindrais dans le néant.

    D’habitude la lumière fait disparaître ces angoisses vertigineuses. Mais ce lieu est possédé par le pouvoir de la traqueuse. À chaque fois que je traverse ce parking, le monde s’affadis, les goûts, saveurs, senteurs et joie se nihilisent. Tout aussi insidieusement qu’elle dicte mes pas, elle se permet d’aposer sur mon visage une paire de yeux, parmis les milliers, dit-on, dont l’ange Azrael est pourvus. Elle me dévoile alors volontairement un lieu dépourvus de sens humain. Les murs et le sol sont mis à nus, dur et rugueux, l’air est froid et sans sentiment, la lumière demeure une mécanique dépourvus d’empathie. Tout ça stationnant, attendant sa propre érosion ou sa destruction par une catastrophe naturelle ou cosmique. Une œuvre délaissée qui se meurt tout autant que ces monstres de feu que tous les peuples planétaires ont loué à travers les siècles, conscients du bienfait de la vie qu’ils transmettaient sur nos cailloux flottant, exerçant un mouvement circulaire et révolutionnaire sans fin. Ces monstres – gentils monstres – desquels à l’instant je contemplais l’absence. À qui manqueraient-ils si ce n’est à ceux qui ne sont déjà plus là ? Dans l’échelle de l’évolution, nous constituons une fabuleuse anomalie, notre intelligence mentale et notre capacité de représentation complexe, sans compter les vertus de nos membres – faibles mais agiles – ont transformé l’humain en la bête dominatrice de la planète, exécutant la Nature selon ses propres plans. Nous sommes une anomalie, un incident. Notre singularité a fait de nous des êtres qui déployons nos représentations par des actes et conceptions matériels que nous imprégnons de significations. Nous pouvons remettre en cause beaucoup des actes humains, mais en contemplant le ciel, nous nous rappelons que si nous sommes le fruit d’une conception accidentelle de la nature ayant la capacité de la renverser, il y a eu un incident il y a 13 milliards d’années qui a généré ce fourbis, cette voute et ce qu’il y a ici et dessous. Un fourbis, à qui et pourquoi ? Nous pouvons remettre en cause l’impact de nos agissements sur la nature, mais notre industrie n’a pas de sens pour les animaux qui s’attribuent ou se font une place, un nid, une toile, un terrain de chasse et qui prolifèrent en l’absence humaine au sein même de ce que sa société a batis. Ces constructions n’ont pourtant pas été faites pour ces bêtes, mais elles l’investissent pour y puiser ce qu’elles peuvent à leur mode de vie. Notre rapport à l’univers ne peut être différent à celui des animaux pour nos œuvres. À qui diable est destiné l’univers ? Dans quel but et pour quelle signification ?

    Je passe la porte extérieur, puis la porte du sas avant d’entrer dans la cage d’escalier. Si ce n’est une aération ou une machinerie inconnue, c’est silencieux. Je monte les marches avec une sensation d’oppression, d’étouffement psychologique. Une angoisse grimpe dans ma tête. J’ai déjà vécu ça. En fait je l’ai vécu des dizaines de fois. Il y a quelque chose d’affreux que je n’arrive pas à cerner. Cette cage d’escalier est comme un cercueil, ces murs beiges et sans personnalités emprisonnent les cris d’agonisant-e-s.. Je reviens au plus lointain que ma conscience puisse identifier cette sensation ; déjà à l’école primaire, c’était des jours pluvieux – non d’ailleurs ! Pas simplement pluvieux ! Ce n’était pas une simple pluit. Le vent battait fort, il y avait une averse ; loin des pluits innoncentes, c’était une menace du ciel, des grêlons peut-être. Le ciel s’abattait sur la récré et dans les rues ; pas un sensé n’oserait marcher tranquillement sur les trottoirs dans ces moments là. Je me souviens de la monté dans cette cage d’escalier de l’école primaire, lorsque la récréation était terminée. J’étais habité par cette même inquiétude, cette montée d’angoisse. Nous étions pourtant au milieu de la journée, mais qu’il faisait sombre ! Et tous ces enfants autour de moi, montant en même temps, ils font du bruit, ils poussent un peu. Qu’y avait-il de singulièrement préoccupant ? Ces fois là rien. Je revivais simplement une angoisse comme je le fais aujourd’hui – un traumatisme originel encore antérieur et inconnu – en montant les marches de la cage d’escalier. J’en ressortirai dès le premier étage et après avoir passé mon badge de sécurité dans le couloir je retrouverai des vivants en besogne.

    Il y a toute l’artificialité de cette cage, son aspect pleinement et uniquement fonctionnel, froid. Il y a ce bref moment d’enfermement dans ces murs épais, ces portes lourdes, coupe-feu ; c’est un abri, une sorte de bunker comparé au reste de la structure du batiment. Un refuge pour la fuite ou la sauvegarde. Quand j’étais petit et que je jouais avec mes LEGO, j’avais construit une sorte de miniature, un vaisseau spatiale que mon imagination concevait comme bien plus grand que ce que l’espèce humaine a pu construire comme batiment sur terre. Peut-être en étage n’était-il pas le plus grand, en revanche, ce n’était pas un vaisseau tour et sa surface était gigantesque. C’était la technologie, le moyen de transport, le plus élaboré, le dernier refuge, la dernier vaisseau, l’arche de Noë, d’une espèce intelligente (qui n’était dans mes jeux d’ailleurs pas humaine puisque j’avais remplacé les têtes – perdues par mégardes – par des briques). Tout comme ces paquebots qui sont construits de nos jours – paquebots de luxe offrant des croisières avec des prestations dont je n’aurais jamais les moyens de m’offrir – mon vaisseau spatiale était une véritable ville avec tous les lieux nécessaires à la fournitures des besoins, des activités, du divertissement, de la relaxation, de la culture… J’y imaginais un immense jardin ou parc dans l’enceinte même du vaisseau, un étage à part qui ne donnais pas vu sur l’espace, mais plafonné, illuminé par des lumières qui facilitaient la photosynthèse des végétations qui restaient quoiqu’il en soit des êtres biologiques naturelles – et non une représentation mimée ou falsifiée ne nécessitant pas d’entretien… si ce n’est la poussière. J’avais un peu l’idée du jardin intérieur des parents de Bulma dans le manga Dragon Ball, qui laissait libre dans cet espace, de nombreux animaux ; même des dinosaures ! Il y aurait aussi un hôpital avec ces différents services, un lieu de représentation théâtrale, de spectacle. Plusieurs pièces ? Je l’ignore. Je n’ai jamais réfléchis sur le nombre de personnes qui seraient en voyage dans ce vaisseau. Il y aurait aussi des salles de sports. La restauration serait uniquement collective. Peut-être avec un choix au menu, ou peut-être plusieurs restaurant ayant leurs propres spécialités ; encore une fois, sans une idée du nombre… Tout comme dans un paquebot, les voyageurs ne disposeraient que d’un lieu privée, un espace réduit à une chambre, avec salle de bain/toilette. Point. A disposition une commode avec des vêtements possédés par chacun-e, un matériel électronique individuel, un écran. Le reste c’est collectif. Si le parc-jardin n’avait aucune vue sur l’espace, j’imaginais les appartements privés comme ayant toujours une baie vitrée donnant pleine vue à l’extérieur. Pour moi ce ne pouvait être que désirable de voir l’univers et ses étoiles par la fenêtre. Pourquoi les cacher dans un espace bunkerisé ? D’ailleurs sur les bords extérieurs du vaisseau, ce serait beaucoup de long couloir que j’imaginais de couleur chaude – sol rouge et mur jaune (je n’y connais rien déco) – où se promener – comme les ponts d’un navire – et admirer l’univers à travers une longue baies vitrée s’étalant sur la longueur, tout comme on pourrait contempler la mer. Ce vaisseau n’était pourtant en rien un vaisseau de croisière. C’était un vaisseau de mission, ou – comme l’arche de Noë – de (sur)vie pour une espèce quittant sa planète. Les personnes ne sont pas là pour se tourner les pouces. Les enfants ont une école – collège – lycée – université, pour l’apprentissage. Et chaque adulte a une profession. Chacun et chacune travaille dans le vaisseau (l’hôpital a besoin de personnel soignant, les restaurants de cuisinier-e-s, etc.) Il existe une politique de natalité, de contrôle des naissances, afin de respecter un équilibre, dans le nombre d’individu (éviter un trop plein de naissance qui rendrait les ressources insuffisantes ou au contraire les motiver – y compris par la procréation artificielle). Un laboratoire embarquerait entre autre des tas d’échantillons de matériel génétique dans le but d’effectuer des générations – de plante ou d’animaux pour modifier la faune et la flore du parc – mais aussi humaine ; dans un voyage de temps indéterminé (et peut-être sans but désigné) impliquant des générations d’êtres humains, la diversité génétique en espace reclus peut finir par faire défaut et il serait donc nécessaire d’en réinjecter régulièrement. J’ai inventé une forme de communisme avant l’âge d’avoir une conscience politique. L’organisation de la vie et des besoins est au au maximum collective tout en respectant une intimité via l’attribution d’un espace ou de matériel privé et strictement égalitaire. Il aurait d’ailleurs été possible de croire qu’en l’absence de représentation politique ou de processus décissionnel collectif, j’eu également inventé l’autogestion ; le recul m’apprend qu’il n’en était rien et qu’il s’agissait plutôt d’une curieuse dictature mené par un commandant ou un conseil semi-militaire d’individus restreints, nullement élus et non-tournant. Si les activités de cette ville dans l’espace sont effectivement réduite à des aspects administratifs et fonctionnels, l’activité politique meurt ainsi que l’ont prédis Marx et Engels à travers l’exégèse de Lénine. Par contre, le vaisseau lui, va bien quelque part. Il a un équipage qui le pilote et forcément il y a un choix qui est fait quant à la route dessiné, au parcours à effectuer. Je n’ai jamais conçu que ces choix furent démocratiques. Je ne pouvais pas comprendre comment le processus de décision pouvait être pris. D’autant qu’il s’agissait en premier lieu là encore d’un choix fonctionnel ou opérationnel : la survie, les ressources, c’est très pratique et pragmatique. C’est une personne ou un groupe de personne qui en fonction de l’état des lieux et des nécessités établissent la destination de préférence et les missions qui en découlent pour alimenter la survie du vaisseau et de ses occupant-e-s. Le critère est finalement lié beaucoup à l’intelligence, à la sagesse. Il s’agit d’un pouvoir politique « éclairé ». Mais contrairement à une dictature ou à ce qu’on peut définir comme bureaucratie, cette ou ces personnes ne disposent pas plus de moyen que d’autres et sont tenus aux mêmes limitations égalitaires. Il n’y a pas de gain matériel. Il n’y a qu’une gratification symbolique. Cette arche technologique devait permettre non pas uniquement une survie, mais une vie à toutes celles et tous ceux qui y auraient pris place ; la technologie aurait été développé aux maximums dans l’esprit d’une autosufissance, d’un recyclage maximum de tout ce qui est consommé dans le vaisseau, voire d’une production ex-nihilo – à partir de rien ou presque rien ; un vaisseau qui aurait eu la capacité de faire vivre une population au-delà de la vie et de la mort des étoiles ou des galaxies, possiblement au délà de l’extinction même de l’univers.

    J’en suis quand même venu à me demander à ce que j’avais fait à ce peuple imaginaire, condamné dans une ville entourée de néant. À ce moment je me dis que la pire chose c’est d’avoir mis tant de fenêtres pour admirer l’univers. Maintenant elles ne leur serviraient plus qu’à admirer le rien qui entoure leur forteresse lumineuse, chaleureuse qui, de l’extérieur, resterait une lumière à peine visible dans un confin indéterminable de l’univers, une bougie éclairante dans un château en ruine, délabré, meurtris des cadavres pourrissants, offerte inutilement pour des yeux absents à l’admirer ou à s’y accrocher. Est-ce qu’ils ne se sentiraient finalement pas comme moi en ce moment dans cette cage d’escalier, ressentant avant tout le poid, la charge, d’un cercueil de béton, un bunker sauveur qui ne prête aucune tendresse ?


  2. Swann, une politique de l'auto-émancipation

    11, c'est le nombre de jour écoulé depuis que Monsieur Swann a soufflé sa deuxième bougie. 11 jours c'est aussi la durée d'une lutte d'interpellation de la bureaucratie parentale qui s'est vu contrainte d'accompagner la croissance de leur enfant. Rencontre.

    La rebellions a commencé lorsque Swann atteint ses deux ans. L'objet de la fronde ? Le refus du lit à barreau. Monsieur Swann fit monter la pression rapidement en réussissant une série d'évasion, systématiquement réussites ; organisant l'occupation du lit de son frère et perturbant la marche normale du sommeil familiale et obligeant in fine ses parents à entendre ses revendications.

    Interrogé sur ses motivations, Monsieur Swann nous confia vouloir avant tout "extraire définitivement l'enfance des pratiques et dispositifs pensées pour les prisons". Il nous explique une exception culturelle, cette tolérance française pour les sanctions physiques sur les enfants, tandis que - tout comme dans l'ensemble des pays démocratique - elles sont interdites pour les détenus. Même si le gouvernement Hollande a introduit une interdiction formelle, sans sanction pour les parents contrevenants. Puis de revenir sur sa révolte contre les barreaux de son lit : "l'éclatant signe du refus de la reconnaissance de l'égalité civique des enfants" "Les barreaux, c'est la prison. La prison, les détenus, la privation, la culpabilité. L'amalgame est stigmatisant". Monsieur Swann dit lutter pour les enfants du monde entier : "si la liberté, l'égalité, la fin de l'oppression et de l'exploitation des hommes et femmes ne sera vraiment possible que sous le communisme, à l'inverse il n'y aura pas vraiment de communisme sans l'accession des enfants à ces mêmes promesses émancipatrices."

    Quand on l'interroge sur ses inspirations et ses modèles, les yeux de Monsieur Swann se mette à briller tandis que sa bouche répond ce simple prénom "Jordi", chanteur star du début des années 90's avec plusieurs singles et albums en tête des ventes. Pour Swann c'est le premier d'entre eux s'être levé et à avoir scandé au monde "C'est dur dur d'être bébé" et de faire la lumière sur la condition enfantine.

    Questionné sur un possible sentiment de filiation entre sa révolte et celle de la jeunesse de 1968 dont nous sommes séparé aujourd'hui par 50 années tout rond, Monsieur Swann maintient une distance critique : "Ils disaient << l'imagination au pouvoir >> ; ils n'ont pourtant pas construit de pouvoir imaginatif pour remplacer les politiciens bourgeois. Ils ont par contre eu l'imagination pour se dévergonder - la seule chose que l'histoire a encore retenu comme influence durable dans la société." Après ces paroles tranchantes, Swann nuance et objective son analyse : "c'est hormonal, un travers de leur âge." Et de poser une perspective sans équivoque : seuls les jeunes enfants peuvent réaliser le mot d'ordre de "l'imagination au pouvoir" car leur imagination est sans borne, sans biais et sans obsession.


  3. Subjugué

    L’affichage à mon écran d’ordinateur du physique de mon meilleur ami d’enfance me surpris. Il me montrait sa photo le représentant actuellement alors que cela faisait des années, le tout début de notre adolescence, que nous ne nous étions revus. Sa croissance continué au Sud du continent, à la chaleur et à proximité de l’Océan, l’avait métamorphosé. Je le reconnaissais toujours à son expression du visage, ses yeux noisettes regardaient fixement l’objectif avec la volonté rectiligne dont il avait toujours fait preuve et sa bouche se tenait encore entrouverte comme c’était le cas à l’époque, une coupe de cheveux modernisé, un peu plus court et gellifié pour les faire pointer en l’air, avait rompu avec son portrait enfant sage de mèches coiffés sur le coté, bien plus jeune. Le garçon que je voyais n’avait cependant plus rien de celui que j’avais connu, son embompoint, objet de sarcasme et moquerie avait totalement disparu, sa carrure de nounours à laquelle mes bras peinait à faire le tour avait disparu. Il arborait dorénavant un corps musclé ; on devinait sous son tee-shirt moulant l’esquisse d’un damier abdominal, régulier et symétrique - prenant la place du ventre doux et lisse que j’avais connu autrefois - mais qui ne tombait pour autant pas dans la rigidité rugueuse et géométrique d’un athlète bodybuildé. Le soleil du Sud avait fait fondre sa carrure, mais par un procédé physico-alchimique ingénieux il avait renversé la chimie culinaire classique - là où toutes les recettes de grand-mères vous demandent de faire fondre des tablettes de chocolat en préparation d’une mousse, lui avait réussis l’opération inverse, une opération impossible : transformer son abdomen mousse en tablette de chocolat. Je comprenais maintenant comment ce garçon et ce physique ingrat autrefois moqué avait eu autant de succès avec les filles qu’il le prétendait ; et maintenant c’est moi qui fondait : "Ce que t’es beau!"

    J’étais cependant loin du compte avec une photo dont l’angle était quelque peu trompeur car quand je le revis de chair et d’os je n’avais pas pensé qu’avec son affinement sa stature eu aussi changé. Il était grand. Terriblement grand. Il était devenu tellement autre chose, tellement homme, tellement respectable, impressionnant, saisissant et séduisant. Il avait toujours été plus grand que moi, mais peu avant son déménagement, ma croissance s’était accélérée au point d’entamer un rattrapage assez rapide de sa taille. Lui-même s’était toujours tenu, conscient de sa taille supérieur, de façon très proche de moi, protecteur. Ma brusque montée en centimètre ne lui fit jamais changé cette proximité qu’il maintint et à laquelle c’est moi qui fit les efforts pour m’adapter ; car si ma croissance eu été faite en quelques minutes, ce sont nos nez qui seraient venus se frotter l’un à l’autre, provoquant ainsi involontairement un baiser esquimaux entre nous. Sa posture, sa proximité, avait été le sujet de nombreuses remarques et collibets dans nos jeunes années; nous semblions trop proches ; anormalement trop proches ; mais de nous deux c’est lui qui concentrait le plus l’attention - il avait des manières un peu exaspérantes pour nos ancien-ne-s camarades ; il passait pour quelqu’un d’orgueilleux et prétentieux, un peu condescendant dans sa manière de pratiquer ce fameux métier d’élève qu’il incarnait en s’appropriant à la perfection tous les codes et les attentes de l’institution scolaire. Il semblait qu’en d’autres contrés, ses camarades eurent un avis tout à fait différent vis à vis de ces attitudes qui sont passés de défauts à qualités ; la réussite scolaire et donc le suivis d’une éthique scrupuleusement conforme aux attentes devenaient gages de réussites sociales, de stabilités financières et professionnelles : son orgueil était devenu une échelle d’exigence et sa prétention une ambition ; tout cela concourrait à le rendre désirable par l’avenir qu’il était promis à partager avec l’élue de son coeur ; tandis qu’ici le comportement des élèves correspondaient à une adaptation de différentes techniques et stratégies leur permettant tantôt de respecter et correspondre aux objectifs données, tantôt de les subvertir ; a peu de choses prêts il aurait pu passer pour un fayot si le fayotage n’avait des exigences autrement supérieur desquels il se désintéressait partiellement. Mais il cherchait sans cesse à se faire voir et à se faire valoir - au point d’user de faire-valoir ? Il pourrait y avoir eu ce rapport de lui à moi ; je n’incarnais pas le même type d’élève que lui, sans être cancrelard ou médiocre, je jouais plutôt le rythme d’une régularité sans turbulence et sans distraction qui me rendait respectablement fréquentable sans menacer d’attenter à son terrain ; inversement j’aurais pu passer pour sa groupie - aussi chercha-t-il systématiquement à se présenter en tant que délégué de classe, projet où il ne cessa jamais de recevoir mon indéfectible soutien.

    Au dire des ragots de l’époque, cette proximité qu’il entrenait avec moi, la permanence de notre présence l’un à l’autre, laissait entendre que - du moins lui - éprouvait une attractivité singulière à mon encontre, ce qui le catégorisait comme homosexuel auprès de nombreux et nombreuses camarades collégiennes. En fonction des interprétations, on relevait derrière ma passivité soit une forme d’ignorante innoncence, soit un rapport moins (re)marqué mais réciproque - auquel cas j’étais son petit copain. Mes camarades de l’époque seraient surpris-es de devoir renverser les histoires générées par leur imagination débordante : mon ami était devenu un tombeur de premier ordre chez la gente féminine et maintenant c’est moi qui succombais à lui aussi. Bien que ma tête était tourné vers le haut pour m’adresser à son visage, je constatais que je pouvais dorénavant faire le tour de son corps avec mes bras, tandis que lui-même pouvais continuer à m’envelopper entièrement. je souhaitais juste me perdre dans les siens ; et tandis que nous nous rapprochions je remarquais combien son visage, à ma satisfaction, mainquait de pilosité ; je pouvais lui déposer des baiser sans cette sensation piquante et rèche de la barbe. J’étais charmé.


  4. Le pénis n'est pas un organe sexuel

    Il est souvent dit qu'un homme pense d'abord avec sa queue avant de penser avec son cœur. Autrement dit à satisfaire davantage ses pulsions sexuelles que de tirer sur la corde romantique, ou encore de faire preuve de tendresse.. Cette excroissance qu'est l'organe génital masculin est souvent vu comme un problème fondamentale de l'espèce humaine dans les rapports homme/femme. Les premiers constamment préoccupé des mouvements et enflures qui se manifeste inopinément dans leur pantalon, sans se rendre compte que le regard pénétrant des secondes se trouvent à hauteurs d'yeux.

    Le problème prend une telle ampleur que l'on parle parfois de « phallocratie », institution incarnant le pouvoir terrestre du Dieu phallus dont l'énergie cosmique – l'orgasnum – alimentent en grâce ceux qui y sont disposés. Mais un monde sans pénis est-il possible ?

    Relativisons immédiatement la dimension sexuelle du cinquième membre de la physiologie masculine. En dehors du rôle physiologique que la nature lui a attribué, c'est un formidable membre stimulant le développement intellectuel des bébés mâles.

    D'abord en dissociant et différenciant spatialement les organes d'évacuations des déchets corporels, il permet au petit être d'apprendre à différencier rapidement les types de besoins qu'il doi soulager et la priorité qu'il adjoint à chacun d'eux. D'où le développemetn précose d'un sens de l'organisation appréciable.

    La conscience du contrôle de ce cinquième membre,sa différenciation des autres besoins, lui permet donc de développer son sens de l'organisation. Non seulement l'organisation, mais aussi aiguiser son sens tactique. Tous les garçons ont un jour où l'autre relevé ce défis qui a fait le malheur de leurs parents : ouvrir le canon à eau dans l'espace intermédiaire qui sépare le retrait d'une couche avec la mise en place d'une autre.

    Ma grand-mère n'avait pas su différencier une envie de déféquer avec la venue au monde de mon père.

    Avant d'être un objet de satisfaction, le pénis est un objet d'apprentissage ; nous venons de le constater à propos de la naissance de la conscience tactique. Il convient maintenant de développer sur les autres capacités qu'il permet d'acquérir avec l'âge.

    Si le sens tactique est nécessaire pour remporter une bataille, la précision de tir n'est pas accessoire pour la mener à bout. Les parents non prévenus peuvent être abattus par surprise, mais un parent avertis, ou un tant soit peu sur ses gardes, ou du moins entrainés à effectuer des manœuvres vives, saura esquiver les tirs ennemis. L'apprentissage de la précision, du tir de précision, se fera donc dans un second temps. L'entrainement se passe généralement dans une pièce sans fenêtre, mais très claire et bien illuminés, possédant un cahier des charges d'hygiènes relativement rigoureux. Chauqe faux pas et chaque tir manqué peut devenir sujet à représaille de la part de l'autorité tutrice. En cas de raté, le suspect doit absolument penser à nettoyer les preuves de son infraction. Il est cependant rare qu'un criminel ne fasse pas d'erreur et il fini rattrapé rapidement par ces méfaits qu'il aura pourtant tenté de masquer tant bien que mal.

    L'histoire de l'hominidé est cependant bien plus grande que celle des égouts, et l'histoire des tribus nomades bien plus importantes que celle des des appartements munis d'un chauffage centrale à condensation. L'homme a historiquement beaucoup plus souvent uriné en extérieur qu'en intérieur. Et c'est en premier lieu bien pour ça que l'homo sapiens sapiens a inventé en premier lieu l'écriture (et inversement c'est parce qu'il n'urine plus à l'extérieur qu'il fini jeune idiot analphabète). C'est l'objet de notre troisième apprentissage.

    Le pénis, une fois que le titulaire de l'instrument ait confirmé ses talents de tireur d'élite, peut à la suite servir de marqueur. C'est une étape de l'entrainement qui est d'avantage organisé dans les période de l'année, ou du moins dans des endroits froids. Une matière première est ici indispensable : la neige. Une fois cette première condition remplit, il faut lui associé la seconde : une réserve urinaire complète au sein du sujet. Et le nouvel apprentissage peut commencer : l'écriture. Marquer son territoire de son prénom. Le roi Nabuchodonosor a aussi été en premier lieu célèbre pour maîtriser parfaitement l'exercice, malgré son prénom qui ne rentrerait même pas sur un damier de scrabble.

    A travers cet apprentissage en 3 étapes, nous retrouvons les 3 moments des conflits humains : 1/ l'aggression, 2/ la frappe, 3/ le traité de paix.


  5. V...

    Je retrouvai une fois de plus cette situation déplaisante de solitude face au collectif. J’avais réussis à esquiver les exposés durant toute ma scolarité lycéenne. Ce qui n’avait aucune conséquence pratique. L’important c’est le baccalauréat à la fin. Être prêt pour la semaine d’épreuve intense. Tout ce qu’il se passe avant n’est là que pour se rassurer. Et rassurer parents et enseignants. J’étais de toute façon invisible à cette époque. Les profs ne devaient se rendre compte de mon existence qu’au moment du calcul des moyennes de fin de trimestre, pour se rendre compte qu’il me manquait une note par rapport aux autres élèves de la classe. Les autres élèves ne me voyaient pas de toute façon non plus. Si je ne passais pas en exposé, c’est parce que je ne dénonçais jamais ma situation de solitude, donnant une preuve de mon existence. Chacun et chacune étaient rangé-e-s dans des groupes, des duos. Et moi j’étais celui qui n’avait pas de lien avec autrui.

    En deux ans. J’ai fait des progrès. Mais M. P. nous demande de nous mettre par deux. J’ai en principe quelques relations amicales, quoique limitées. Les deux amies avec qui je traine le plus se mette ensemble. Je jette un regard ailleurs, vers d’autres amicaux pour memontrer disponible. Mais un à un je me rends compte en fait qu’ils se lient avec leur personne préféré. Évidemment, si moi j’ai mes préférences, je ne suis le préféré de personne. Et malgré que se dessine ma besogne d’étudiant en solitaire, aucun-e ne cherche à au moins s’associer avec quelqu’un d’amical pour au moins me laisser faire duo avec l’autre. Les exposés sont toujours des moments de grand copinage. Si je n’étais pas intégré au lycée, provocant ma désintégration complète même aux yeux du professeur ; malgré mes relations actuels de fac, mon intégration demeure insuffisante et le tranchant désintégrateur agit avec la même vigueur.

    Mr. P. cherche à dynamiser la classe. La brochure de textes à se répartir entre chacun-e pour présenter un exposé dessus est distribué et un calendrier sur la page 2 avec la date de présentation des textes en fonction de l’avancé prévu du programme de cours magistral est là pour motiver les camarades de classe à faire leur choix rapidement. Le premier critère de ces jeunes, c’est la date : ne surtout pas prendre les premiers textes. Ni la semaine prochaine, ni celle d’après, ni encore celle d’après. L’étudiant-e est un être qui aime prendre son temps. Pour ne pas dire carrément qu’il procrastine. Et prévoir une date lointaine pour présenter son texte, c’est assumer sa procrastination.

    La bataille s’engage une fois les premiers duos constitués. On évite de passer trop tôt, mais également trop tard. Être les derniers c’est être comparé à tous les autres. Et faire un truc pas terrible après tout le monde, c’est allé à la catastrope de notation. Là est mon problème : je peux me faire oublier comme je l’entends, mais sans note je risque l’ajournement. La différence avec le lycée, c’est qu’à la fac toute les notes comptes pour la validation des semestres, des années et du diplôme.

    Les « meilleurs » textes selon les critères étudiants (outre le calendrier qu’il faut aborder avec soupplesse, nous citerons également la taille des textes et l’apparence de leur complexité) sont déjà distribués. Et les duos restants hésitent. Il me faut dorénavant assumer que je suis seul et m’extirper de cette situation inconfortable, quitte à être voyant d’abord pour mieux me faire oublier ensuite. Je suis paradoxalement pris d’un élan de sacrifice et volontaire pour prendre l’un des deux textes qui devront être présenté dès la semaine prochaine. Enlevant ainsi un poids à un duos qui se verra octroyer ne serait-ce qu’une semaine supplémentaire pour procrastiner un peu. J’ai repérer mon préféré parmis le choix étroit. Un texte de deux sociologues dont intuitivement j’apprécie le travail et leur point de vue critique sur la société ; malgré le titre du texte qui est un obscur charibia emplit de mots trop longs.

    Laborieusement, les derniers duos se partagent les derniers textes. L’un de ceux là suit mon « courage » ainsi que l’a notifié le prof. Et préfère finalement s’en débarrasser judicieusement dans l’immédiat, plutôt que d’attendre le milieu ou fin de semestre où nous aurons accumulés exposés et dossiers à rendre et préparation de partiel à la fin.

    Me voilà donc lancé dans une séquence de préparation d’un exposé sur 6 jours… pardon, 3. Cette deuxième semaine de semestre est chargée de journées longues, nous n’étions que le lundi en fin de journée. J’attends le jeudi pour commencer à travailler dessus. J’ai avec moi une panique stimulante. Je vais passer en exposé incessamment sous peu, et je n’ai pas d’épaule sur laquelle me décharger. Ce travail ne peut être que le mien, et il sera assumé uniquement par moi. Assumé par moi dans son élaboration comme dans sa présentation. Il n’y a pas d’échappatoire. Et il s’agit là de ne pas se montrer ridicule. Mais peut-être également de faire une démonstration. Les critiques du prof seront publiques, devant les camarades. Le moment d’être un peu admiré. De montrer des qualités, pas forcément physiques, théatrâles ou oratoire, mais du moins intellectuelles. Que je montre que j’ai quelque chose dans la tête. Qu’on me reconnaisse une qualité qui n’est pas visible au premier abord. Que je sois discret, timide et mal à l’aise en toute circonstance. Tout le monde le sait et je ne peux les en faire douter. Ou encore pousser la logique de ma particularité d’avoir été courageux, à user de ce « réflexe » de sacrifice en prenant un texte de la première semaine jusqu’au bout, en jouant la carte de « celui qui ose » ne pas faire ou être l’étudiant ordinaire. Après avoir largué la procrastination, je vais tenter de faire mon exposé le plus librement possible. Sans lecture, ni appuie de texte. Ni même récitation automatique ou par cœur. Non. Avec ma maîtrise intellectuelle complète du sujet.

    Je lis pas moins de 3 fois le texte pour m’en imprégner, comprendre l’esprit et les quelques subtilités qui ne devront pas m’échapper. 3H pour cette première tâche. Je me pose des questions sur l’évolution idéologique de mes auteurs. Eux qui me semblaient si critique, les voilà en train d’analyser les facteurs d’embauches d’un recruteur. Ca ne parle même pas de sociologie holistique, c’est un texte axé sur la compréhension individuelle et les stratégies de choix. Le néo-libéralisme qui a sévis au milieu de leur vie me met un doute sur leur propre bifurcation idéologico-politique comparée à leur premier travaux antérieurs aux années 80. Vendredi est un jour plus tranquille avec une demi-journée de tranquilité à la maison. Je prends cette demi-journée pour commencer à mettre en ordre mes idées, élaborer une problématique, définir un plan. 3H sont de nouveaux consacré à cette tâche. Le samedi est consacré à la rédaction et à l’apprentissage de mon exposé. Tout doit être exact au cordeau. Car mon texte est long, mais le prof est exigeant, tant du point de vue du contenu, que du niveau, de l’expression, de la synthèse, mais aussi du temps. Car l’exposé est une démonstration d’une compréhension ratatinée côté quantité mais qui doit être qualitativement très bonne. En effet, il s’agit de faire un speech de 10 minutes et de lui rendre la version papier qui équivaudrait à 3 pages typographiées. Passé rien que 3 heures, une heure par page, c’est effectivement être rigoureux. Surtout que plan, idée et intro/conclu étaient prêt dès la veille.

    Ce lundi, mon heure approche. C’est évidemment le dernier TD de la journée. Nous sommes en hiver. Il fait déjà presque nuit et le temps est moche. Je suis le deuxième et dernier texte à passer de la journée. Le premier est critiqué à la fin. La forme d’abord avec une lecture linéaire et monotone de l’exposé rédigé. Le prof insiste sur l’exercice qui doit nous permettre d’apprendre à parler à un public. L’exigence est d’autant plus justifiée que c’est une licence de sciences de l’éducation et sciences sociales où les étudiant-e-s ont en très grande majorité pour projet de devenir professeur des écoles.

    C’est mon tour. Je suis tout tendu et mon ventre fait des siennes. Je me mets face à tout le monde. Le prof est en fond de salle. L’éclairage un peu loupé de la salle a tendance à le pousser dans une zone sombre. J’ai enlevé mes lunettes pour ne pas me laisser distraire, déconcerté ou déconcentré par les expressions de visages de mes camarades qui pourraient me trouver ridicule et, sans rire aux éclats, adopter des expression faciales, même involontaire, suffisamment éloquantes.

    J’engage mon exposé en « freestyle », sans appuie de mon texte rédigé qui reste dans ma main elle-même située dans mon dos avec la seconde. Tout se passe bien, malgré une voix tremblotante, je ne semble pas avoir perdu mon auditoire qui reste dans un silence respectueux de monument aux morts. Puis vient les premiers bafouillement. Une maladresse. Un lapsus. Voilà quelques rires qui s’échappent et je perds momentanément mes moyens, m’obligeant à reprendre mon texte papier pour m’appuyer dessus. La lecture est infâme, trop rapide et monotone. Malgré avoir enlevé mes lunettes, je n’ai pas la vue suffisamment abîmée pour ne pas voir mes camarades du premier rangs. Et parmis eux, une de mes amies dont je suis secrétement amoureux. En fait qui était très bien au courant de mes sentiments pour elle pour les lui avoir confier 6 mois plutôt. Ce n’était évidemment pas réciproque. C’était aussi celle qui s’était mise avec l’autre amie, en duo, pour cette séquence d’exposé, me laissant choir. J’étais assez content qu’elle assiste à ça. Le petit garçon timide était en train de se montrer courageux. « Je ne suis pas aussi faiblard que tu le penses » aurais-je voulu lui dire. J’essaie de reprendre mon exposé sans support après m’être avoir baissé mon degré de panique intérieur. Cette alternance a dû paraître comme un contraste énorme entre deux instants. Plutôt que de varié dans des nuances de gris clair vers le gris foncé, j’étais passé subitement du gris clair au noir quasi-complet.

    Je fini. Ouf ! Je n’ai pas fait exactement les dix minutes. Mais j’ai sauté une idée en première partie et ma lecture s’est avéré extrêmement rapide. Le prof note cet effort, rare dans notre classe et chez les étudiant-e-s de cette licence en général, d’avoir parlé sans lire le texte. Même si le fait de m’être quelques instant appuyé dessus a permis aux camarades (me voilà pris en exemple) de comprendre la différence fondamentale entre ces deux manières de faire, de la façon quasiment la plus caricaturale possible. « Ca, c’est le meilleur exposé que j’ai entendu depuis bien longtemps » me dit ainsi le prof. « Votre camarade a parfaitement exposé son sujet, je n’aurai pas fait mieux. ». Je suis aux anges. Ce prof n’est pas n’importe qui et il est connu pour ses critères exigeant, mais assez explicites, clairs et certainement assez justes d’ailleurs. Il ne donnait pas les notes devant tout le monde. Pour lui c’était une affaire privée. Mais ces louanges disaient déjà tout. Je n’ai pas besoin d’avoir ma note. J’ai ma démonstration. Combien de personnes entendent-elles ça à l’université ? Voilà mes camarades bien mal positionné-e-s dorénavant. Le premier jour d’exposé, et l’un des étudiants a déjà fait la démonstration du niveau à atteindre. Ca peut être soit une bonne boussole, soit également la pelle qui creuse le trou de chacun-e. Le trou est de toute façon déjà en partie creusé pour eux et elles. En me laissant de coté, ils se sont privés de mes talents. Soit. Ils en assumeront les conséquences, s’en mordront les doigts. D’autant que j’étais seul. Et tou-te-s autant qu’ils sont, Ce sont des duos, avec deux cerveaux, quatre mains pour écrire et deux bouches pour exposer. J’ai été le vainqueur d’un jour. Un jour où je les ai tou-te-s vaincu-e-s pour les semaines qui allaient suivre.

    D’autant qu’une grève éclatera dans la fac par la suite, m’entrainant irrésistiblement dans le mouvement, implication d’autant plus difficile à ignorer pour mes camarades que je me ferais le relais d’information via e-mail. Et malgré leurs absences durant ce « printemps des université », ils n’auront même pas su se préparer pour les partiels de fin de semestre, où une fois de plus je me ferai remarquer. Au milieu de ce partiel de 2h, traitant de ce même cours, une heure à peine écoulée. Je me suis levé subitement. Un peu sonore. J’ai marché entre les tables, droits et déterminés, remettre ma copie aux surveillant-e-s et émargé. Quittant la salle alors que tout le monde grattait encore durement. Le second à sortir – mon homonyme – me traitant comme « son héros », d’avoir bouclé le partiel si rapidement. Même pas sabordé ou copie blanche. J’ai fini avec un 15/20. Et ma place assurée pour entrer en L3. Moi et seulement 39 autres personnes. Pendant qu’une centaine devait prendre le chemin des rattrapages.


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