1. Sur la route

    Arrivant à un croisement, la voiture devant moi s’arrête, clignotant gauche allumé. Elle attend que le bus en sens inverse passe. Et on attend… on attend… même pour gérer les entrées/sorties de poussettes ou de fauteuils handicapés ce n’est pas aussi long. En sortant un peu la tête je me rends compte qu’en fait le conducteur du bus tape la causette avec un piéton qui est juste à sa fenêtre. Mais quel toupet ! Il y a un temps pour le boulot et un temps pour les copains ! Ça ne le gêne pas de nous monter en file d’attente comme ça ? Et ses passager.e.s ne se plaignent pas ? Il s’est mis en feu de détresse. Comme si ça justifiait de s’arrêter n’importe où n’importe comment. Certains s’achètent une conscience avec une drôle de signalétique.

    Un autre véhicule est arrêté devant mon précédesseur. Je me demandais pourquoi il n’avançait pas alors que lui ne voulait pas tourner à gauche. En fait c’est la voiture du mec qui s’est arrếté pour discuter ! Voyant la gêne il revient finalement à sa voiture ; doucement parce qu’il boite de la jambe gauche. Il se remet à rouler 2 ou 3 mètres à peine pour monter sur le trottoir. Mouai bon… c’est pas tip top comme solution. Mais, à mon grand plaisir, mon prédecesseur renonce à tourner à gauche. Je le suis en roulant sur la tôle détaché du bus gisant au milieu route. Le conducteur du premier véhicule, toujours prompt à se faire remarquer et à considérer la voirie comme son salon, s’allonge sur le trottoir. Une femme sort d’une voiture bleue derrière le bus pour lui apprendre la vie. Mon précesseur s’arrête, semble hésiter. Je suis tenté de lui faire des appels de phare : y a pleins de monde partout pour se plaindre. Deux de plus ou de moins à ce stade, aucune différence, alors autant passer son chemin plutôt que de perdre du temps à dire ce que tout le monde dira auprès d’une personne qui n’écoutera pas plus. La voiture réenclenche la première. Ouf ! On repart !


  2. Blank

    En milieu d’après midi un utilisateur au téléphone. Il se présente comme un salarié de la seconde principale entreprise pour qui je fais le support PC en prestation. Il travaille dans le sud de la France. Il m’indique être inquiet par le fait de ne pas retrouver son PC à son retour de vacance. Il reprend son histoire: cela fait deux mois apparemment qu’il m’a contacté concernant un dysfonctionnement sur son PC. Selon lui j’avais pris la main sur son poste pour faire un diagnostique avant d’indiqer qu’il devait renvoyer son PC dans nos locaux. Chose qu’il fit promptement. Parallèlement je cherchais trace écrite-email de l’incident. Nada. Nous n’avons échangé que par téléphone pour ce qui concerne cette affaire. Je vérifie les remontés d’information automatique dans le gestionnaire de parc informatique: aucun PC à son nom excepté celui qu’il squatte actuellement dans le sud en attendant le retour de son légitime. Je lui explique qu’il a dû être placé par mégarde dans le stock - ce qui signifiait que l’ordi devait être réparé. Je lui demande de quel modèle était la machine. Il l’ignore… Je lui demande si parmi ses collègues l’un d’eux en a un identique. Il ne discerne pas plus. Une description ? Un PC tout noir. Il l’a eu il y a 3-4 ans. Ca correspond à un lot de PC dans le stock. J’ai des doutes, le profil professionnel du gars c’est "projeteur". Il devrait donc avoir un poste avec une carte graphique évolué pour faire ses modélisations. En même temps dans cette entreprise, ils et elles sont nombreuses à y toucher un peu sans avoir de PC avec des conf' de courses. Je raccroche en expliquant que je dois faire une recherche approfondis. Un part un, chaque poste dans l’interface, je vérifie l’historique des propriétaires. Rien pas de trace. Y compris sur des PC qui sont repartis en prod'. Je finis par faire des recherches dans les modèles types projeteur, tous en production. Excepté un. Un qui n’est pas dans le stock physique de cet entreprise. Il porte un nom correspondant à la flotte informatique de ma boite. Dans l’historique, il y a bien la trace de l’utilisation du gars, pour la dernière fois le 21 mai. Je l’ai remis en stock le 4 juin après l’avoir formaté…

    Sans que je sache comment, j’ai donc récupéré un PC que j’étais sensé réparer, que j’ai impitoyablement formaté, réintégré dans le domaine sous le nom d’un PC de mon entreprise, en m’appuyant pourtant pour son nom sur son numéro d’étiquette, étiquette portant le logo de l’autre entreprise. J’ai supprimé le compte AD du PC de cette entreprise. J’ai rangé ce PC dans le stock de ma boite. Et enfin, je sais et je me souviens m’être posé cette question : comment se fait-il que j’aie deux PC projeteurs dans mon stock. Ce sont des modèles suffisant rares. Je me suis tellement posé la question que je suis certain d’avoir même effectué des vérifications sur cette curiosité… et pourtant ce poste est resté là, considéré comme légitimement là. Vierge de tout usage, de toute donnée.

    Je ne me souviens absolument pas de quoi devait souffrir le PC de cet utilisateur. Demain je vais devoir le préparer pour son retour à son utilisateur légitime. Et surtout, je vais devoir lui annoncer la nouvelle : il n’y a plus de données.

    #techdemerde


  3. Gâteau

    Soraya trouva un paquet dans son tiroir de bureau. Dessus, un papier avec inscrit "Je t'ai manqué ?" Sous l'emballage, un gâteau. Elle savait que c'était Fred.

    -- Tu insistes pour que tu me manques.

    -- Comment ça ?

    -- Le mot avec le gâteau.

    -- C’est le mot du gâteau ; pas le mien.

    -- Oh oui il m'a beaucoup manqué :-p

    -- C'est à lui qu'il faut le dire.

    -- Oui, mais je le dis à toi.

    -- Si c'est moi que ça concerne tu peux me le dire directement :-p je suis ouvert à toute déclaration.

    -- Ne rêve pas !


  4. Sortir avec Maëva

    L’autre jour Maëva avait un problème sur son PC. Après un diagnostique rapide j’escomptais qu’il s’agissait d’un simple problème de pilotes et lançais la mise à jour automatique via l’utilitaire dédié des PC Dell : SupportAssist. La mise à jour tourne en fond de tâche. J’invite Maëva à reprendre ses activités mais de prévoir un redémarrage du poste une fois les mises à jours terminées afin qu’elles s’appliquent correctement. Elle cliquait déjà un peu partout sur son écran tandis que je lui expliquais tout ça. Et malgré la fin de mon propos elle demeure dans une situation quelque peu inconfortable, assise sur une simple chaise penché en avant sur la table où elle a posé son PC, à proximité de moi. Elle reste là un moment : à vrai dire tout le long de l’application des mises à jour. Une bonne dizaine de minutes. Tout fini et rentre dans l’ordre. Elle repart.

    Plus tard, on se recroise et nous échangeons personnellement. Elle me raconte qu’elle a rompu avec son mec il y a quelques temps ; une relation sérieuse et de longue durée. Elle ne se sent pas de rester seule longtemps en attendant son "prochain grand amour" car elle a un fort besoin affectif. Elle est tout à fait prête à avoir une relation stable et exclusive, de façon temporaire en attendant cet homme ; une "relation transistoire" entre un grand échec amoureux et le prochain grand espoir. Pas besoin que tout colle puisque ce n’est pas durable ad vitam. Elle pense qu’une telle relation ne dépassera pas 2 ans. Mais.. mais… elle est en train de parler de sortir avec moi !

    Je suis tellement surpris que je demeure muet un moment. J’avais tenté ma chance avec Maëva 3 ans auparavant, en glissant un mot d’invitation à déjeuner entre l’écran et le clavier de son PC portable lors d’une intervention. La réponse avait été négative, très simplement. C’était pas crédible. Je ressemble trop à geek boutonneux et c’est une fille bien trop remarquable par sa personnalité extravertie, son physique, une éducation et des centres d’intérêts qui me sont étrangers. Tout un tas de considérations que je finis par écarter car "ce n’est pas à vous de conclure a priori qu’une relation est sans avenir." disait ma psy il y a plus de 10 ans ; la conclusion s’établira sur l’expérience réelle. Et puis n’est-ce pas que ça : une expérience ? Elle souhaite une relation temporaire. Même si je souhaite également le "grand amour" je pars de rien. Pourquoi me détourner de la possibilité d’accumuler de l’expérience avec une fille qui me plait autant ?

    Nous sortons ensemble.

    Après un premier date en tête à tête, la voilà chez moi pour un nouveau rendez-vous. Je l’ai invité à déjeuner. C’est un beau samedi midi et j’ai préparé de mes petites mains le déjeuner. Le repas touche à son terme. Je débarrasse. Et au moment de passer à autre chose Maëva commence à mettre des mots sur notre relation,mmi-inquiète, mi-critique. Elle me trouve bizarre. Je me conduis bizarrement ; en tout cas pas comme un petit ami. Elle me repproche ma distance, mon manque de proximité, l’absence de geste. Elle me dit que n’importe quel de ces anciens copains l’auraient déjà embrassé. Il y a de quoi se sentir morveux et j’hésite à prendre l’initiative de l’embrasser sur la bouche ; j’ai peur ; ça paraitrait totalement calculée et mécanique. J’y renonce au profit d’une attitude que je considère plus "safe" : celle de l’honnêteté. Je lui avoue que je n’ai jamais embrassé, que je ne sais pas le faire du tout, que ça ne s’est jamais présenté et que je ne savais pas quels moments pouvaient être opportuns. Mais que ce n’était pas un indifférence vis à vis d’elle.

    Il fallait bien que cette vérité soit prononcée un jour après un premier rendez-vous. J’avais tant attendu cette occasion. Ce pas supplémentaire. J’avais conscience que l’annonce de ma situation sonnerait comme une révélation. Les filles ne sont pas les garçons : si il est à redouter l’humiliation et la moquerie chez les seconds par les idées de performance et de compétitions à la noix, les filles n’ont pas ce type de rapport et se montreraient plus compréhensive vis-à-vis de ce genre d’inexpérience. Mais pas Maëva. Après avoir émis son reproche sur un ton calme et cordial, c’est un désaccord totale qui sort d’elle et l’a met en colère. Elle ne s’imaginait pas devoir assumer ce type de relation. Elle voulait juste quelqu’un pour passer le temps. Mais il est hors de question qu’elle fasse son éducation sentimentale et sexuelle à un retardataire de mon acabit. Tout tombe en plan et se brise. Elle prend ses affaires et quitte mon studio.


  5. Traqueuse obsesionnelle

    J’ai toujours la même pensée quand je sors de ma voiture à 6h moins 10, je pense à cette traqueuse obsessionnelle à l’obession contagieuse. J’en suis sa proie et elle me le rappelle précisément à ce moment là tous les matins. C’est comme un piège ; c’est un lieu qu’elle semble s’être approprié. Elle ne cherche pourtant pas à m’attaquer. C’est plutôt un jeu ; un jeu sadique. Je l’a vois m’observer tout autour de moi alors que je me déplace entre les immeubles. Tout est silencieux. Tout est froid. Tout est pénombre. Le bitume, le béton, les néons, l’activité humaine s’est exprimée partout ; elle témoigne du mouvement expansionniste de la vie, de notre vie. Pourtant c’est cette traqueuse qui occupe les lieux. Bien qu’étrangère à notre monde, elle s’incarne remarquablement bien dans nos conceptions.

    Elle est habile. Son guidage se fait sans pression, sans sensation consciente, sans se faire remarquer. Une pierre qui roulerait sur une pente penserait qu’elle avance par elle-même sans même comprendre qu’elle a été le jouet d’un mouvement qui la précède, qu’il soit géologique, animal, ou un acte humain. Les chasseurs font de même avec les animaux et les guident dans leur piège en jouant des règles instinctives de ces pauvres bêtes qui se pensent toutes aussi libres que nous. Inconsciemment, ignorant que c’est cette traqueuse qui décide pour moi, je me laisse entrainer aussi impuissamment qu’un animal dans son piège, un piège sadique. Bien qu’elle ne souhaite pas encore me faucher, elle joue de mes sentiments et me rappelle sa présence dans ce parking ; elle accompagne mon mouvement, mon déplacement en faisant le tour des immeubles ; et dans un entre deux, le ciel apparaît dans toute sa hauteur ; c’est alors qu’elle contraint mon regard à se fixer sur mon destin en voyant le ciel : noir, inexistant. Je voyais encore les étoiles il y a une heure en sortant de chez moi. Ont-elles déjà fini leur cycle de dilatation-combustion pour s’éteindre dans l’univers froid et infini ? La réalité importe peu, c’est la vérité qui me fait face au-delà des temps. Mais je suis pareil à elles. Je m’éteindrais dans le néant.

    D’habitude la lumière fait disparaître ces angoisses vertigineuses. Mais ce lieu est possédé par le pouvoir de la traqueuse. À chaque fois que je traverse ce parking, le monde s’affadis, les goûts, saveurs, senteurs et joie se nihilisent. Tout aussi insidieusement qu’elle dicte mes pas, elle se permet d’aposer sur mon visage une paire de yeux, parmis les milliers, dit-on, dont l’ange Azrael est pourvus. Elle me dévoile alors volontairement un lieu dépourvus de sens humain. Les murs et le sol sont mis à nus, dur et rugueux, l’air est froid et sans sentiment, la lumière demeure une mécanique dépourvus d’empathie. Tout ça stationnant, attendant sa propre érosion ou sa destruction par une catastrophe naturelle ou cosmique. Une œuvre délaissée qui se meurt tout autant que ces monstres de feu que tous les peuples planétaires ont loué à travers les siècles, conscients du bienfait de la vie qu’ils transmettaient sur nos cailloux flottant, exerçant un mouvement circulaire et révolutionnaire sans fin. Ces monstres – gentils monstres – desquels à l’instant je contemplais l’absence. À qui manqueraient-ils si ce n’est à ceux qui ne sont déjà plus là ? Dans l’échelle de l’évolution, nous constituons une fabuleuse anomalie, notre intelligence mentale et notre capacité de représentation complexe, sans compter les vertus de nos membres – faibles mais agiles – ont transformé l’humain en la bête dominatrice de la planète, exécutant la Nature selon ses propres plans. Nous sommes une anomalie, un incident. Notre singularité a fait de nous des êtres qui déployons nos représentations par des actes et conceptions matériels que nous imprégnons de significations. Nous pouvons remettre en cause beaucoup des actes humains, mais en contemplant le ciel, nous nous rappelons que si nous sommes le fruit d’une conception accidentelle de la nature ayant la capacité de la renverser, il y a eu un incident il y a 13 milliards d’années qui a généré ce fourbis, cette voute et ce qu’il y a ici et dessous. Un fourbis, à qui et pourquoi ? Nous pouvons remettre en cause l’impact de nos agissements sur la nature, mais notre industrie n’a pas de sens pour les animaux qui s’attribuent ou se font une place, un nid, une toile, un terrain de chasse et qui prolifèrent en l’absence humaine au sein même de ce que sa société a batis. Ces constructions n’ont pourtant pas été faites pour ces bêtes, mais elles l’investissent pour y puiser ce qu’elles peuvent à leur mode de vie. Notre rapport à l’univers ne peut être différent à celui des animaux pour nos œuvres. À qui diable est destiné l’univers ? Dans quel but et pour quelle signification ?

    Je passe la porte extérieur, puis la porte du sas avant d’entrer dans la cage d’escalier. Si ce n’est une aération ou une machinerie inconnue, c’est silencieux. Je monte les marches avec une sensation d’oppression, d’étouffement psychologique. Une angoisse grimpe dans ma tête. J’ai déjà vécu ça. En fait je l’ai vécu des dizaines de fois. Il y a quelque chose d’affreux que je n’arrive pas à cerner. Cette cage d’escalier est comme un cercueil, ces murs beiges et sans personnalités emprisonnent les cris d’agonisant-e-s.. Je reviens au plus lointain que ma conscience puisse identifier cette sensation ; déjà à l’école primaire, c’était des jours pluvieux – non d’ailleurs ! Pas simplement pluvieux ! Ce n’était pas une simple pluit. Le vent battait fort, il y avait une averse ; loin des pluits innoncentes, c’était une menace du ciel, des grêlons peut-être. Le ciel s’abattait sur la récré et dans les rues ; pas un sensé n’oserait marcher tranquillement sur les trottoirs dans ces moments là. Je me souviens de la monté dans cette cage d’escalier de l’école primaire, lorsque la récréation était terminée. J’étais habité par cette même inquiétude, cette montée d’angoisse. Nous étions pourtant au milieu de la journée, mais qu’il faisait sombre ! Et tous ces enfants autour de moi, montant en même temps, ils font du bruit, ils poussent un peu. Qu’y avait-il de singulièrement préoccupant ? Ces fois là rien. Je revivais simplement une angoisse comme je le fais aujourd’hui – un traumatisme originel encore antérieur et inconnu – en montant les marches de la cage d’escalier. J’en ressortirai dès le premier étage et après avoir passé mon badge de sécurité dans le couloir je retrouverai des vivants en besogne.

    Il y a toute l’artificialité de cette cage, son aspect pleinement et uniquement fonctionnel, froid. Il y a ce bref moment d’enfermement dans ces murs épais, ces portes lourdes, coupe-feu ; c’est un abri, une sorte de bunker comparé au reste de la structure du batiment. Un refuge pour la fuite ou la sauvegarde. Quand j’étais petit et que je jouais avec mes LEGO, j’avais construit une sorte de miniature, un vaisseau spatiale que mon imagination concevait comme bien plus grand que ce que l’espèce humaine a pu construire comme batiment sur terre. Peut-être en étage n’était-il pas le plus grand, en revanche, ce n’était pas un vaisseau tour et sa surface était gigantesque. C’était la technologie, le moyen de transport, le plus élaboré, le dernier refuge, la dernier vaisseau, l’arche de Noë, d’une espèce intelligente (qui n’était dans mes jeux d’ailleurs pas humaine puisque j’avais remplacé les têtes – perdues par mégardes – par des briques). Tout comme ces paquebots qui sont construits de nos jours – paquebots de luxe offrant des croisières avec des prestations dont je n’aurais jamais les moyens de m’offrir – mon vaisseau spatiale était une véritable ville avec tous les lieux nécessaires à la fournitures des besoins, des activités, du divertissement, de la relaxation, de la culture… J’y imaginais un immense jardin ou parc dans l’enceinte même du vaisseau, un étage à part qui ne donnais pas vu sur l’espace, mais plafonné, illuminé par des lumières qui facilitaient la photosynthèse des végétations qui restaient quoiqu’il en soit des êtres biologiques naturelles – et non une représentation mimée ou falsifiée ne nécessitant pas d’entretien… si ce n’est la poussière. J’avais un peu l’idée du jardin intérieur des parents de Bulma dans le manga Dragon Ball, qui laissait libre dans cet espace, de nombreux animaux ; même des dinosaures ! Il y aurait aussi un hôpital avec ces différents services, un lieu de représentation théâtrale, de spectacle. Plusieurs pièces ? Je l’ignore. Je n’ai jamais réfléchis sur le nombre de personnes qui seraient en voyage dans ce vaisseau. Il y aurait aussi des salles de sports. La restauration serait uniquement collective. Peut-être avec un choix au menu, ou peut-être plusieurs restaurant ayant leurs propres spécialités ; encore une fois, sans une idée du nombre… Tout comme dans un paquebot, les voyageurs ne disposeraient que d’un lieu privée, un espace réduit à une chambre, avec salle de bain/toilette. Point. A disposition une commode avec des vêtements possédés par chacun-e, un matériel électronique individuel, un écran. Le reste c’est collectif. Si le parc-jardin n’avait aucune vue sur l’espace, j’imaginais les appartements privés comme ayant toujours une baie vitrée donnant pleine vue à l’extérieur. Pour moi ce ne pouvait être que désirable de voir l’univers et ses étoiles par la fenêtre. Pourquoi les cacher dans un espace bunkerisé ? D’ailleurs sur les bords extérieurs du vaisseau, ce serait beaucoup de long couloir que j’imaginais de couleur chaude – sol rouge et mur jaune (je n’y connais rien déco) – où se promener – comme les ponts d’un navire – et admirer l’univers à travers une longue baies vitrée s’étalant sur la longueur, tout comme on pourrait contempler la mer. Ce vaisseau n’était pourtant en rien un vaisseau de croisière. C’était un vaisseau de mission, ou – comme l’arche de Noë – de (sur)vie pour une espèce quittant sa planète. Les personnes ne sont pas là pour se tourner les pouces. Les enfants ont une école – collège – lycée – université, pour l’apprentissage. Et chaque adulte a une profession. Chacun et chacune travaille dans le vaisseau (l’hôpital a besoin de personnel soignant, les restaurants de cuisinier-e-s, etc.) Il existe une politique de natalité, de contrôle des naissances, afin de respecter un équilibre, dans le nombre d’individu (éviter un trop plein de naissance qui rendrait les ressources insuffisantes ou au contraire les motiver – y compris par la procréation artificielle). Un laboratoire embarquerait entre autre des tas d’échantillons de matériel génétique dans le but d’effectuer des générations – de plante ou d’animaux pour modifier la faune et la flore du parc – mais aussi humaine ; dans un voyage de temps indéterminé (et peut-être sans but désigné) impliquant des générations d’êtres humains, la diversité génétique en espace reclus peut finir par faire défaut et il serait donc nécessaire d’en réinjecter régulièrement. J’ai inventé une forme de communisme avant l’âge d’avoir une conscience politique. L’organisation de la vie et des besoins est au au maximum collective tout en respectant une intimité via l’attribution d’un espace ou de matériel privé et strictement égalitaire. Il aurait d’ailleurs été possible de croire qu’en l’absence de représentation politique ou de processus décissionnel collectif, j’eu également inventé l’autogestion ; le recul m’apprend qu’il n’en était rien et qu’il s’agissait plutôt d’une curieuse dictature mené par un commandant ou un conseil semi-militaire d’individus restreints, nullement élus et non-tournant. Si les activités de cette ville dans l’espace sont effectivement réduite à des aspects administratifs et fonctionnels, l’activité politique meurt ainsi que l’ont prédis Marx et Engels à travers l’exégèse de Lénine. Par contre, le vaisseau lui, va bien quelque part. Il a un équipage qui le pilote et forcément il y a un choix qui est fait quant à la route dessiné, au parcours à effectuer. Je n’ai jamais conçu que ces choix furent démocratiques. Je ne pouvais pas comprendre comment le processus de décision pouvait être pris. D’autant qu’il s’agissait en premier lieu là encore d’un choix fonctionnel ou opérationnel : la survie, les ressources, c’est très pratique et pragmatique. C’est une personne ou un groupe de personne qui en fonction de l’état des lieux et des nécessités établissent la destination de préférence et les missions qui en découlent pour alimenter la survie du vaisseau et de ses occupant-e-s. Le critère est finalement lié beaucoup à l’intelligence, à la sagesse. Il s’agit d’un pouvoir politique « éclairé ». Mais contrairement à une dictature ou à ce qu’on peut définir comme bureaucratie, cette ou ces personnes ne disposent pas plus de moyen que d’autres et sont tenus aux mêmes limitations égalitaires. Il n’y a pas de gain matériel. Il n’y a qu’une gratification symbolique. Cette arche technologique devait permettre non pas uniquement une survie, mais une vie à toutes celles et tous ceux qui y auraient pris place ; la technologie aurait été développé aux maximums dans l’esprit d’une autosufissance, d’un recyclage maximum de tout ce qui est consommé dans le vaisseau, voire d’une production ex-nihilo – à partir de rien ou presque rien ; un vaisseau qui aurait eu la capacité de faire vivre une population au-delà de la vie et de la mort des étoiles ou des galaxies, possiblement au délà de l’extinction même de l’univers.

    J’en suis quand même venu à me demander à ce que j’avais fait à ce peuple imaginaire, condamné dans une ville entourée de néant. À ce moment je me dis que la pire chose c’est d’avoir mis tant de fenêtres pour admirer l’univers. Maintenant elles ne leur serviraient plus qu’à admirer le rien qui entoure leur forteresse lumineuse, chaleureuse qui, de l’extérieur, resterait une lumière à peine visible dans un confin indéterminable de l’univers, une bougie éclairante dans un château en ruine, délabré, meurtris des cadavres pourrissants, offerte inutilement pour des yeux absents à l’admirer ou à s’y accrocher. Est-ce qu’ils ne se sentiraient finalement pas comme moi en ce moment dans cette cage d’escalier, ressentant avant tout le poid, la charge, d’un cercueil de béton, un bunker sauveur qui ne prête aucune tendresse ?


« Page 8 / 11 »