Pour moi ce devait être mon dernier jour de la semaine ; bien que nous soyons lundi. J’avais en effet effectué mes vacations durant le week-end terminé. Notre manager était passé le samedi matin, faire des vérification sur notre assiduité. Il n’y a en effet personne sur le plateau, excepté nous, les pilotes d’exploitations, répartis en deux équipes. La vérification s’est d’ailleurs centrée sur mon équipe où nous sommes habituellement trois ; quelques « loupé » ont eu lieu précédemment : des retards répétitifs, un collègue de nuit contraint de faire deux heures de plus par le retard d’un collègue et l’absence d’un second sans aucune information. Le manager est passé. L’air de rien. Offrant pain au chocolat, croissant et chouquette. Ne posant aucune question ; constatant simplement l’absence de S. déjà coupable d’un précédent forfait ; avant de repartir.
Une fois installé à mon poste, à 6h pile, mon collègue de nuit m’informe que la femme de M. a accouché. Il a appelé cette nuit pour informer qu’il prenait ces trois jours de paternité. D’après le planning, nous ne devions être que deux déjà, le troisième collègue prévu ayant posé congés.
« J’ignorais que sa femme attendait un gosse. » dit mn chef d’équipe. Moi aussi. Mais je ne parle pas de vie privée avec mes collègues. Ma situation personnelle est « délicate » dans le cadre d’un environnement quelque peu machiste et viriliste. Au demeurant un collègue de l’autre équipe, peu attentif au propos, répondra « Ah ouai. Il m’avait montré des photos. C’était au mois de mars ou avril je crois non ? »
La matinée déroule son cours habituelle.
Le manager arrive et donne ses instructions pour le chef d’équipe à l’envoie d’un e-mail à S. concernant son absence non prévue, non-communiqué ni justifié de samedi. On s’attend à une douche froide sur S. pour qui c’est la deuxième fois qu’il dérape de la sorte selon mon comptage. Trois selon un collègue de nuit.
Je vais prendre mon déjeuner à l’heure habituelle. Les alertes n’étant pas nombreuses pour que mon chef d’équipe non à l’aise avec le SI du client, puisse prendre le temps de les appréhender, si jamais il y en avait. A mon retour, il m’informe que S. ne sera pas là demain. C’est comme une esquive à problème. L’e-mail servait de mise en bouche. Cependant il n’y a personne d’autre puisque sur une équipe de cinq, deux sont en vacances et le troisième est – pour trois jours – en congés paternité. Il me demande si je peux me libérer demain. J’accepte, en insistant sur le fait qu’il s’agit d’un déplacement de mon repos prévu qu’il faudra donc replacer au plus vite. Convenu jeudi 29.
Je pars à 14h, ma fin de service. Direction mon entretien d’embauche prévu depuis quelques jours, à Saint-D. Une demi-heure de route depuis mon lieu de travail d’après le GPS. En réalité avec la circulation, deux fois plus. C’est canicule en ce début de semaine. La température dépasse les 35°C d’après le thermomètre du véhicule. Je trouve une place assez rapidement dans une rue voisine, quoique payante. Mais j’ai pris l’habitude. Je vais au parcmètre et paye ma place en estimant la durée de mon entretien à une heure. Quelques difficultés à comprendre l’interface de la machine qui a en plus le toupet de me demander ma plaque d’immatriculation ! Nulle doute que ça finira dans un big data. J’enfonce ma carte au moment demandé. Je paye. Et j’attends le ticket. La machine me demande de retirer le ticket fraichement imprimé. J’attends. L’interface revient à l’écran initial. Pas de ticket. Un monsieur constate l’affaire ; il attendait lui-même pour payer sa propre place. « Ça ne marche pas on dirait. Bon, je vais chercher un autre parcmètre. » Or de question que je l’imite. J’ai payé et de façon sûr je suis tracé ; j’ai ma conscience pour moi et l’entité (entreprise ou institutionnelle) gérant ces places mon argent.
J’entre dans la boite de recrutement. Une nouvelle fois on me fournit une fiche standart de la société où rentrer mes renseignements, pour le 3/4 déjà connu par cette entreprise puisqu’issu de mon CV ou profile sur les sites de recrutement. Vient l’entretien. L’échange habituel s’engage du coté des recruteuses qui présentent leur entreprise ; ensuite c’est moi.
J’avais postulé pour un poste de technicien support informatique. Certainement pas bien décrit, mais avec un intitulé qui signifie quelque chose et qui correspond à ma recherche. « Si on a souhaité vous rencontré, c’est pour vous proposer un poste de technicien d’exploitation ». Super. Je ne viens donc pas pour un poste auquel j’ai candidaté, mais pour un poste similaire à celui que je cherche à quitter. « C’est un poste en 3x8 ; situé à N. » Précisément dans la même ville où je travaille ! « Il s’agit de la société E. vous connaissez ». « Oui. Enfin… j’ai des collègues qui y ont travaillé ». « Qu’en pensez vous ? ». J’aurais pu déraper et aller trop, pas parce que j’ai retenu ma langue mais parce qu’elles m’ont coupé la parole : « ben, déjà je ne peux pas travailler de nuit ; la médecine du travail me l’interdit à cause de mes troubles du sommeil. » C’est là que ça s’est arrêté. Ben oui c’était pas possible. C’était de toute façon pas le point d’achopement le plus important : le poste aurait pu être plus intéressant, à un autre endroit et avec des horraires normaux, la société E. m’a souvent été décrite comme « l’enfer sur terre » et les collègues qui y avaient travaillé n’ont jamais regretté leur départ… quand ils ne sont pas allés jusqu’au procès !
« Ce que vous voulez c’est un travail avec des horaires de bureau et disposé de vos week-ends ? », un ton que j’ai cru hautain, genre je suis capricieux et demande quelque chose qu’il ne m’est pas admis de pouvoir espérer. Je demande la normalité. Leur normalité qui plus est. Décontenancé, je m’en défends vivement pour ne pas perdre la face. Absurde.
L’entretien ce poursuit sur mes souhaits et mes attentes. J’exprime quelques idées de technicien réseau ou d’administrateur système – et inversement. On m’explique rapidement que je n’ai pas les compétences… Mais que par contre pour du helpdesk j’étais très bien, que ça passerai tout seul. Ça je le sais, j’ai fait 10 mois sur le plateau téléphonique d’une entreprise du CAC40 où la moitié de mes collègues n’avaient jamais eu de cursus formatif en informatique – et même une bonne proportion n’avait pas le bac. Apparemment j’ai du dépenser 900€ de ma poche et prendre des cours durant un an pour pas grand-chose.
Je repars chez moi. Sentiment d’avoir perdu mon temps. Le temps continue cependant de se perdre sur la route. Une heure quarante cinq pour retourner chez moi ; toujours dans les bouchons et la chaleur d’un véhicule sans climatisation.
Demain on me demandera à nouveau de sacrifier mon jour de repos prévu parce que S. a renvoyé un message indiquant qu’il serait absent. Arrêt maladie. Une habitude de certains pour prolonger leurs séjours. Et pour moi cinquième jour d’une séquence de dix sur laquelle je n’ai qu’un seul jour de repos. C’est légal monsieur le droit du travail ?