Étrange phénomène de narcolepsie dans une bibliothèque municipale de la capitale

Le sam. 01 janvier 2000

La bibliothèque municipale ABC dans le 12e arrondissement de Capitalopolis aurait pu demeurer – comme nombre de ces homologues de métropole ou de province – sans histoire, ni susciter d'intérêt ou d'inquiétude quelconque. Cependant notre rédaction a eu vent d'un curieux phénomène d'endormissement spontanée au sein des rayons de livres et dans les salles de lectures. Reportage.

« Contrairement à nombre de mes concitoyens je reconnais parfaitement le bruit du ronflement car j'ai un Ronflex à la maison » nous confie Lorie. Étudiante en sciences de l'information et de la documentation, elle vient régulièrement dans cette bibliothèque de quartier car elle possède un fond particulièrement spécialisé de la cote 02x qui lui sert pour son mémoire de master consacré à la question de l'évolution du catalogage et à ses perspectives. Elle témoigne « pas un seul jour sans qu'un lecteur ne s'effondre sur sa place et se mette à émettre ces sons insupportables à 80db. »

Les descriptions de ces moments quotidiens sont pitoresques : elle nous parle d'abord du premier jour où elle a entendu un tel bruit. Lorsqu'elle en a trouvé la cause – dont elle seule semblait se soucier – elle vit ce qu'elle avait identifié comme un sans abri. « Certes c'est gênant pour les personnes comme moi, phono-ronflo-sensible, pour nous concentrer, mais en même temps j'éprouve un peu de compassion et de compréhension pour quelqu'un comme lui qui n'a certainement pas pu passer une nuit confortable et est éprouvé par une grande fatigue. »

La bibliothèque est ainsi quotidiennement visitée et investie par plusieurs sans abri. Céline, salariée de la bibliothèque depuis 7 ans nous en parle : « Beaucoup de personnes marginalisées dans la société – chomeuses voire sans-abris – viennent passer du temps – si ce n'est pas quotidiennement, du moins hebdomadairement – à la bibliothèque. Elles y trouvent ici des choses auxquels elles n'ont pas accès chez eux. Cela passe par des choses bêtes comme le confort – chaises, chauffages – mais aussi comme accès à l'information : beaucoup de ces types d'usagers sont des étrangers ayant quitté leurs pays ; cet espace leur permet de se reconnecter à leur racine via Internet en leur permettant l'accès aux sites d'information de leur pays, aux émissions […] C'est aussi un moyen pour eux de communiquer et de garder des liens sociaux. »

La capitale est périodiquement touchée par des taux de comas narcoleptique inhabituelle ; les enquêtes policières et sociologiques ont depuis longtemps démontrées qu'il s'aggisait des effets du trafic d'une espèce d'escargot à la vertu endormissante. Ces comas narcoleptique touche essentiellement les marginaux qui en consomme afin d'oublier leurs problèmes quotidiens et « rêver une autre vie ».

Cependant, le témoignage de Lorie ne se borne pas à cet épisode épiphénoménique du marginal qui ronfle en bibliothèque. Selon elle, de nombreuses autres personnes, issus de couches sociales bien différentes sont touchée par un endormissement spontanée. « La fois suivante où j'ai été dérangée, il s'agissait d'un vieux qui était venu bouquiner un auteur classique. Il a pris le livre, s'est installé à une table de lecture (en face de moi en fait). Il s'est endormis à peine au bout de 5 minutes dessus, le livre ouvert, les mains tenants les deux côtés. » « Une aure fois, ce fut un jeune, certainement étudiant tout comme moi. Il feuilletait son agenda, stylo en main pour notifier ou rayer rendez-vous et tâches. Et il s'est endormis le stylo à la main ! » « Une autre fois c'était un homme, aux alentours de 40 ans, aspirant à un concours, qui s'est endormis, sur ses bouquins, stylo en main. » Bref, les exemples se multiplient et lorsque nous demandons à Lorie quel point commun elle trouve à ses différents cas, deux caractéristiques émergent : 1/ ce sont tous des hommes (apparemement aucune femme ne s'est faite remarquée en pareil cas ; cependant comme le dit Lorie « ma sono-ronflo-sensiblerie n'a pas été soumis à des femmes ronflantes. Et mon Ronflex à la maison est un mâle. » Elle n'est pas sûr de trouver ces bruits féminin insupportable ni même de pouvoir les remarquer) 2/ ils s'endorment spontanément au milieu de leur activité sans crier gare.

La bibliothèque et son installation sont-elles sujettes à inciter ses usagers à s'endormir ? De nombreux facteurs viennent plutôt infirmer cette thèse et même problématiser davantage ses endormissement intempestifs et spontanés. D'abord au niveau de la luminosité et de la clarté, la bibliothèque est munis de par et d'autres de son axe de nombreuses fenêtres – quasiment des bais vitrées – et son installation au 3e et 4e étages lui permet de dominer les bâtiments alentours et de profiter de la luminosité naturelle de l'extérieur. L'espace séparant ces deux côtés n'est d'ailleurs pas immenses et l'arrangement des meubles est pensée pour la circulation de cette luminosité. Par ailleurs, la vue, depuis la salle de lecture, donne sur un manifique parc, de taille importante. On penserait davantage à ce qu'un lecteur soit distrait dans la contemplation de ce paysage plutôt que de s'endormir sur place comme « mort » d'ennuie.

Après la question visuelle et de luminosité vient l'environnement sonore. La bibliothèque est installée et accessible à partir d'une petite rue à une voie et à sens unique limitée à 30 km/h. Cette limitation de vitesse n'est, d'après les usagers et les salariées de la bibliothèques à l'unanimité, pas vraiment respectée. « Des gens la respecte ; la majorité non. ». Un radar pédagogique munis d'un écran imposant lui permettant même d'afficher du texte en grand est installée au début de la petite rue qui s'étend encore sur des centaines de mètres derrières. Le radar pédagogique est mis ici en raison de la présence de pas moins de 3 écoles maternelles et primaires dans cette même rue. Qui dit école, dit enfants et donc nécessité de conduire prudemment et à basse allure afin de ne pas se laisser surprendre par l'inattention et la spontanéité naturelle des enfants. Un autre facteur étant également la largeur des trottoirs extrêmement faible. Si en journée un-e passant-e chemine le trottoir naturellement, il est douteux qu'aux horaires de sorties ou d'entrées d'écoles il en soit de même.

Ces écoles constitue un paradoxe à l'idée que l'on se fait d'une bibliothèque où règne avant tout le silence, ou du moins simplement les bruits des pages qui se tournent où des stylo et crayons qui grattent. Entourée de ces écoles, la bibliothèque est quotidiennement et plusieurs fois par jour plongée dans les bruits de cohus des enfants à côtés. Lorie ne nous cache pas son agassement « Je suis très étonnée que ces bruits persistent aussi longtemps. Quand la bibliothèque ouvre à 10h30, je les entends ; à 11h ça continue. Quand j'étais jeune, la sortie des écoles étaient à 11h30 pour le déjeuner ; on avait une demi-heure de récréation le matin. Je ne me souviens plus des horaires. Mais que ce soit à 10h, ou à 10h30, à 11h tout le monde était en classe pour finir la matinée avant d'aller déjeuner. » Lorie est cependant plus incertaine concernant l'après midi. « Le début d'après midi est plus calme heureusement ; mais arrivée l'heure de la récréation ça reprends... ». Elle se demande beaucoup pourquoi les enfants restent autant de temps dehors et pourquoi continuent-ils autant de crier. « La tranquilité n'est pas la première qualité de cette bibliothèque » nous dit-elle « Et il est d'autant plus difficile à comprendre alors comment des gens arrivent à s'endormir dans de telles conditions. On peut se concentrer en y faisant abstraction, mais les cris sur-aiguës qui éclatent régulièrement ne peuvent pas laisser la tranquilité de la conscience indifférente. »

Les cris sur-aiguës ne sont pas la seule source de déconcentration intempestive que subit Lorie et tous les autres usagers et salariés de la bibliothèque. Si cette dernière est bien installée dans une petite rue à une voie et à sens unique cette petite rue prend sa source en bifurcation d'un axe principal de la capitale extrêmement fréquenté, ponctué régulièrement de croisement en tout genre et donc avec des feux tricolores en présence conséquente. Lorie faisant une partie du chemin à pied depuis une gare nous explique « Il faut parfois savoir s'imposer aux automobiliste qui ne laissent pas libre les passages piétons et préfèrent faire du queue à queue comme des moutons et de continuer à avancer malgré que le feu soit vert piéton. Non pas qu'ils aient grillé leur propre feu rouge – il est beaucoup plus loin – mais ces automobilistes se forcent à le passer malgré qu'ils ne peuvent aller de l'autre côté de l'intersection et ainsi dégagé ces croisements difficiles. » Et Lorie de fustiger le comportement des automobilistes « imbéciles » « ils ne cesses de klaxonner pour que ceux de devant avance ; ces derniers n'arrivent pas à voir que le feu est passé au vert – du moins c'est ce que comprenne ceux de derrière. Mais quand ceux de derrière se retrouvent au feu, ce sont eux qui se font klaxonner. » L'axe de circulation est ces derniers temps également en travaux. Déjà encombré en temps normal, la neutralisation d'une voie compliquent davantage les choses. « Ces coups intempestifs de klaxon arrive également jusqu'à nos oreilles dans la bibliothèque qui n'est pas si loin que ça. C'est une autre rue, mais c'est le même « paté » de bâtiments ».

Entre la luminosité de l'espace de bibliothèque et des espaces de lectures, les bruits des enfants des écoles à côtés, des travaux et des klaxons énervés des automobilites, difficile effectivement de croire qu'il soit possible de s'endormir facilement à cet endroit – sauf fatigue importante voire extrême. Mais le nombre de « dormeurs » étant assez important difficile à croire qu'ils soient tous sujets à une telle fatigue. « Et si ils l'étaient vraiment, autant qu'ils restent chez eux, ils seront plus confortable dans leur lit, ou même dans leur canapé, et pas dérangés par les bruits environnant » conclus Lorie mettant ainsi en exergue l'étrangeté du phénomène qui ne peut selon elle qu'être le fruit d'un effet local mystérieux. Une hypothèse ? « Les fantominus hantent probablement quelque bâtiment autour qui portent les stigmatent de certaines horreurs historiques. Des études ont montrés que certains fantominus ne pouvaient atteindre tout le monde dans l'usage de leur pouvoir hypnotique, bien que ce ne soit pas le cas de la grande majorité. Peut-être certains de ces fantominus pas très capables se cachent dans les murs environnants. » Ces études étant encore sujets à caution, le conseil municipale de Capitalopolis n'a pas encore fait appel à une entreprise de GhostBusters pour éliminer les nuisibles. Céline nous informe que le nombre de cas touché par ces narcolepsie intempestives, même si quotidienne, est trop faible pour être considéré comme une attaque de fantominus sur les lieux. Surtout, à l'approche des élections municipales, il ne serait pas bon que la Mairie finisse au cours de ses dernières semaines de mandats avant les élections municipales par appeler une équipe de chasseur de fantôme, validant pour cela la thèse des adversaires de l'équipe sortante qu'ils transforment la capitale en « ville morte ».

Quant à Lorie elle finis par exprimer son ras-le-bol de telle condition d'étude et de travail : « Les klaxons des cons en voiture, les crie des gosses que j'ai envie de sniper du haut d'une fenêtre, les ronflements des gens que j'ai envie de prendre par les cheveux et de les cogner violemment contre le rebord de leur table pour les plonger dans le sommeil éternelle, celui qui ne fait sonorisement chier personne, et surtout pas moi la sono-ronflo-sensible ! » Calme Lorie ! Calme...

Le canard déchaîné, édition du 45 Zeus 5490

Par Le Scribouilleur, Catégorie : Nawak

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