Évidemment Shenmue III est la suite directe de Shenmue II et entre dans une continuité géo-temporelle immédiate avec le terme de l’épisode précédent. Cependant il aura fallut 18 ans au public pour découvrir cette suite et reprendre avec le héros, Ryo, sa quête de vengeance contre le meurtrier de son père. Une quête précédée d’une longue enquête commencé dans le premier volet. Ryo se retrouve dans cette première partie de 3e volet au fin fond de la Chine ; un village très modeste dans les montagnes. C’est ici qu’il en apprendra davantage sur la jeunesse de son père, sur ses relations. Car c’est un secret de jeunesse qui est le mobile du meurtre.
Comme les épisodes précédents, on s’immerge dans le quotidien de Ryo et de son environnement entre le lever et le coucher du soleil. Il faut savoir équilibrer les activités de sa journée entre quêtes, enquêtes, activités rémunérés, entraînements, et un peu d’amusement aussi.
Si les contrôles ont peu évolués, la logique d’évolution du personnage est bien plus linéaire : il suffit d’allonger les sessions d’entraînement pour gagner en statistiques. Précédemment, il y avait quand même une sorte d’équilibre avec des statistiques qui pouvaient glisser d’un côté comme de l’autre, selon les entraînements effectués. C’est moins prise de tête dans Shenmue III et ça permet de ne pas avoir d’obstacle techniquement insurmontable pour les joueurs quelques soient leurs maîtrises. C’est peut être dommage pour la cible initiale, des joueurs et joueuses influencés par les Virtua Fighter et qui recherche le défis d’un combat dans une aventure mêlée de RPG.
Alors oui, le gens intéressés davantage par l’histoire que par le combat n’en seront pas rebutés. Mais on ne peut qu’être déçu par les faibles avancés narratives. Le créateur Yu Suzuki avait prévu 9 épisodes à l’origine en se lançant sur Saturn puis Dreamcast. Si les deux premiers épisodes se sont enchaînés correctement, 18 ans sépare le 2 du 3. Et la création de jeux vidéos n’est pas l’écriture d’un livre : c’est un canevas dont les exigences évolue avec le progrès technologique. Ce n’est pas non plus une œuvre d’écriture solitaire. C’est une œuvre collective dont les besoins en compétences et forces humaines ne cessent de croître pour présenter des produits à hauteur du marché.
La réalisation de Shenmue III n’est pas exempt de défaut. On ne s’attardera pas sur le rendu graphique qui a évolué et correcte (avec beaucoup de couleurs chaudes, quelques soient l’endroit, ce qui contraste avec l’épisode précédent). Il y a un peu de perte de profondeur, notamment dans les interactions. On ne peut s’adresser à tous les personnages – notamment à Niaowu, ville et port touristique – contrairement aux premiers épisodes. Tout semble un peu vide et un peu artificiel. Le village montagnard de Bailu compte un peu trop de commerce pour rester réaliste au vue de la clientèle. Et peut être faut-il considérer Niaowu comme étant en basse saison.
Il y a aussi l’équilibrage des quêtes et des réflexions. Le jeu étant libre, peut se faire naturellement. Au début du jeu, nous enquêtons sur des tailleurs de pierre ; dans le village, avec observation, on peut deviner les habitations. Cependant, impossible de résoudre certaines quêtes sans avoir parlé à certains personnages qui nous indique où trouver le dernier tailleur de pierre par exemple. Il y a des chaînes de conditions à remplir, même quand on a compris tout seul.
Une petite dernière note : le rapport aux femmes. L’histoire est porté par un regard masculin, et je ne vais pas prétendre que je n’en apprécie pas certains traits. La relation entre Ryo et Shenua est cependant connoté couple traditionnel : lui à l’extérieur toute la journée, elle aux tâches domestiques (avec la préparation du petit déj, du diner, etc.) On ne va pas s’offusquer qu’une œuvre mettant en scène les années 80 tienne ce genre de cliché qui correspond aussi à une certaine réalité de cette époque. Mais il faut aussi savoir être distant et critique dans notre implication ludique. Car la personnalité de Shenua est développé et il est possible au début et à la fin de la journée d’avoir des discussions assez longue avec elle pour mieux la connaître. Sans parler de compensation parce que ce serait ridicule, pour un célibataire, ces aspects là de l’histoire peut venir ponctuer une activité ludique quotidienne.
A la limite, le plus choquant reste pour moi le retournement final. Ryo et Lan Di (le meurtrier de son père) au bout d’un faux combat de bosse (oui, parce qu’on combat sans pouvoir gagner) se retrouve d’un coup contextuellement alliés contre une femme rencontré plus tôt dans le jeu. Déjà mise en avant comme une belle femme, on l’a découvre comme manipulatrice de Ryo. Alors que l’épreuve finale est un assaut surprise, elle apparaît femme fatale, habillée d’une robe rouge et de cheveux teint en rouge. Dans une œuvre de fantasy, l’association du mal (le diable) avec le rouge, peut faire sens comme marqueur. C’est le message qui veut être porté ici. Mais c’est grossier et déplacé dans une œuvre qui se veut autant réaliste.
Et puis évidemment cette fin, qui ne résout rien, et qui déplace l’enquête, la résolution, vers de nouveaux horizons, annoncés dans le générique dans un Shenmue 4 qui, à date, n’est toujours pas en développement.