"Ce que tu m'as promis" (Soft)

sam. 24 août 2024

L’été 2008 baignait les rues désertes du quartier d’une chaleur lourde et étouffante. Les volets de la maison de Laury, légèrement entrebâillés, laissaient filtrer quelques rayons de soleil sur le carrelage du salon. Dans l’air flottait une odeur de lavande fanée et de meubles anciens. C’était une journée comme les autres, ou presque. Pourtant, une tension électrique s’emparait de Laury depuis des jours. José, son ancien meilleur ami, était de retour, après des années passées au Portugal. Et ce jour marquait leur dernier moment ensemble avant son départ.

Laury avait grandi dans l’ombre de son propre questionnement, se débattant avec des sentiments qu’il n’avait jamais su affronter. Le souvenir de leur amitié passée flottait dans sa mémoire, entre rires et jeux d’enfants, mais aussi des non-dits qui pesaient lourdement sur lui depuis l’adolescence. Aujourd’hui, il se tenait dans l’encadrement de la porte, sa mère lui ayant annoncé que José l’attendait dans le jardin de son ancienne maison, celle qu’il connaissait par cœur. Un dernier au revoir, un moment privé qu’il redoutait autant qu’il espérait.

Alors qu’il traversait la rue, Laury se perdit dans ses pensées. José et lui avaient toujours été proches. Trop proches, pensaient certains. Il repensa à ce qu’il avait confié à José quelques jours plus tôt sur Facebook : il n’avait jamais embrassé quelqu’un. Jamais ressenti cette connexion intime. Et il avait laissé échapper ce secret brûlant : il doutait encore de son attirance pour les garçons, pour José. Ce dernier, d’abord réticent, avait fini par accepter. Peut-être par amitié, peut-être par curiosité.

Quand Laury entra dans le jardin, José était là, adossé à la haie, un léger sourire flottant sur ses lèvres. Son apparence avait changé depuis leur jeunesse. Il avait grandi, perdu ce poids pour lequel il avait été moqué, et s’était transformé en un jeune homme sûr de lui. Sa silhouette élancée se découpait dans la lumière tamisée, et la chaîne en argent qu’il portait autour de son cou étincelait doucement à chaque mouvement. Son t-shirt blanc moulait discrètement ses épaules, et une montre en cuir noir ornait son poignet gauche, accentuant ses gestes.

« Salut, Laury », dit-il doucement, sa voix posée, presque apaisante.

Laury, nerveux, s’approcha. Leurs regards se croisèrent, et pour la première fois depuis des années, tout semblait suspendu. Plus un bruit, à part le chant lointain des cigales. José, malgré son allure détendue, observait Laury avec une certaine gravité. Ce n’était pas une simple rencontre entre anciens amis. Il savait ce que Laury attendait. Ce qu’il avait demandé.

Ils échangèrent quelques mots anodins, parlant de la chaleur, du voyage de retour imminent. Puis, José se redressa, ses mains glissant dans les poches de son jean ajusté. Ses mouvements étaient mesurés, presque calculés. Laury sentait ses jambes faiblir, la nervosité l’envahissant à mesure que le moment approchait. Lorsqu’ils arrivèrent près du portail, la tension devenait palpable.

C’est Laury qui fit le premier geste. Sans un mot, il attrapa la main de José, ses doigts se refermant avec hésitation autour de la peau chaude de son ami. José se figea un instant, le regard interrogatif. Laury se tourna vers lui, les yeux brillants d’une anxiété retenue. « Ce que tu m’as promis », murmura-t-il, sa voix à peine plus forte qu’un souffle. « Comme si j’étais elle. »

José baissa légèrement la tête, hésitant, puis hocha doucement. Il savait que ce moment avait une signification particulière pour Laury. Il comprenait, même s’il n’était pas sûr de partager les mêmes émotions. Son regard s’adoucit, et avec une lenteur presque calculée, il s’approcha.

Laury sentait son cœur battre dans sa gorge, un mélange de peur, de désir et de confusion. José posa délicatement une main sur son épaule, puis, avec une douceur inattendue, son autre main vint effleurer la joue de Laury. Sa peau était chaude sous son toucher, et Laury sentit son souffle se couper. Le pouce de José glissa brièvement le long de sa mâchoire, un geste à la fois rassurant et étrangement intime. Il se pencha doucement, son visage s’approchant lentement.

Leurs lèvres se rencontrèrent enfin, dans un contact d’abord hésitant, presque timide. Laury ferma les yeux, laissant ses sens prendre le dessus. José était là, tout contre lui, ses mouvements lents et précautionneux. Le goût des lèvres de José était un mélange de menthe et de quelque chose de plus indéfinissable, et Laury se surprit à ressentir une vague de chaleur envahir son corps. Ce n’était pas le baiser qu’il avait imaginé dans ses rêves les plus fous, mais c’était réel, et c’était suffisant.

José intensifia légèrement le baiser, sa main glissant dans la nuque de Laury pour approfondir le contact. Chaque mouvement était mesuré, respectueux, mais chargé d’une certaine émotion. C’était un adieu, un geste empreint de tendresse plus que de passion. Laury se laissa emporter, oubliant le monde extérieur, ses doutes, ses peurs. Tout ce qui comptait, c’était cet instant fugace.

Lorsque José rompit finalement le baiser, ils restèrent un moment immobiles, fronts contre fronts, les yeux fermés, respirant à l’unisson. L’air était lourd, chargé de tout ce qu’ils n’avaient jamais dit.

« Ça va ? » murmura José, sa voix douce résonnant à travers le silence.

Laury hocha la tête, incapable de parler, une larme silencieuse roulant sur sa joue. José, avec un sourire triste, effleura brièvement la joue de Laury avant de reculer. Ils se regardèrent un instant encore, avant que José ne s’éloigne, marchant vers la sortie du jardin.

Laury resta là, figé, le cœur encore battant à tout rompre. Le garage, silencieux autour de lui, semblait avoir absorbé toute l’intensité de ce moment. José s’éloignait, et avec lui, une partie de l’histoire de Laury.